dimanche 31 août 2014

Le Lone-Trip islandais : Hverfjall & Grjótagjá

En sortant de Dimmuborgir, le sentier sinueux qui doit me ramener en ville traverse un champs de lave envahi par la végétation, pour mon plus grand plaisir. Face à moi, se découpant dans l'horizon d'un ciel bleu comme j'aurais aimé en voir plus souvent, le cratère du Hverfjall. C'est un volcan endormi, qui "culmine" à 420 mètres d'altitude, et domine le paysage immédiat au bord du lac. Malgré la matinée et le début d'après-midi de marche, avec cette pause succincte au café de Dimmuborgir, je me sens d'humeur aventureuse et décide que, si le chemin m'amène près du cratère, j'en profiterai pour monter jusqu'au sommet. Faut dire que mon sac à dos est moins lourd, puisque j'ai pu laisser une partie de mes affaires au gîte, donc bizarrement, je me sens plus léger. Et si en sortant des formations volcaniques je rencontre bien deux touristes, je ne croise plus personne dans le champs de lave avant d'atteindre le cratère...

L'endroit est calme est silencieux, les pierres ont souvent des formes fantasques dans lesquelles on peut voir des figures, des silhouettes, des visages... Pas étonnant que l'île foisonne de légendes de géants ou de trolls inspirés par le paysage... J'admire aussi la ténacité et la force de la végétation qui arrive à pousser absolument n'importe où, dans la moindre faille, la moindre fissure dans la roche... S'il y a une seule opportunité, la nature la saisit.

J'adore la lave refroidie... On peut encore bien voir comment elle s'est répandu lentement avant de finalement former cette croûte noire...
Le champs de lave à perte de vue...
Et puis, arrivé au pied du cratère, le paysage rocailleux mais néanmoins couvert de végétation change radicalement pour se transformer en désert de cendre noire qui s'élève, d'abord en pente douce, jusqu'à devenir le cratère de Hverfjal. Alors qu'on ne s'y méprenne pas, l'échelle est trompeuse : On dirait qu'il suffit de crapahuter en haut d'une petite dune mais non, ça marche pas comme ça. Déjà, il y a une sorte de "rampe" pour accéder au cratère, on n'y monte pas par n'importe quel versant, mais en plus, ce n'est pas une petite dune. Du tout.

Le cratère, une aride montagne de cendres.
Alors que je contourne le cratère pour trouver le chemin qui monte sur son flanc, je dépasse un vieux monsieur qui marche seul dans la même direction. Il m'interpelle alors "Excusez-moi, vous parlez Français ?"

DUNDUNDUUUUUN.

Je me retourne. Le pauvre homme ne porte même pas de chapeau sous ce soleil de plomb et visiblement, il a besoin d'un coup de main. Je ne peux décemment pas lui répondre "Nein, tut mir Leid !" et me casser. Je réponds donc que oui - en Français, hein - et il m'explique qu'il s'est séparé de son groupe, qu'il s'est perdu, et que comme je vais probablement rejoindre le parking avant lui, si je vois une voiture de telle couleur avec telles personnes, si je pouvais leur dire de venir le chercher, ce serait chouette. Évidemment, je lui assure qu'il n'y a pas de problème, et comme je vois qu'il n'a même pas une bouteille d'eau, je lui en offre (Oui, le socionome en moi a immédiatement pensé à l'hydratation, que voulez-vous). Et là, un truc étrange se passe. Il me remercie longuement et sincèrement, jusque-là tout va bien, et ajoute : "Vous êtes vraiment tous adorables dans ce pays".

Hum... je sais que les nordiques sont habituellement très bons en langue, mais je viens de lui parler dans un Français natif, sans accent... Bon, j'essaye quand même, et je lui dit "Ah mais je ne suis pas Islandais, monsieur", mais il devait pas bien écouter car il continue à vanter les mérites de "votre île" et m'assure qu'il recommandera à tous ses amis de venir en vacances ici. J'avais envie de répondre "Mais je m'en fous, je ne SUIS PAS ISLANDAIS !!" ("BORDEL !!"). Et finalement j'ai juste souri, repris ma bouteille et continué mon chemin. Un peu plus loin j'ai remarqué que la voiture en question roulait déjà vers lui, sa femme n'étant pas comme ça et ayant pris l’initiative de faire des recherches, du coup j'ai pas eu à faire grand chose, si ce n'est offrir un peu d'eau et donner une belle image... de l'Islande.

C'est décidé, à l'avenir j'enverrai une facture aux offices de tourisme.

Je continue mon chemin vers la "rampe", ce chemin merdique difficile qui mène au sommet du cratère (hors champs à droite) A l'horizon, on remarque les montagnes orangées derrière lesquelles se trouve Námaskarð, la zone volcanique qui ressemble à Mars. D'ailleurs on voit bien la différence de couleur avec les autres montagnes alentours, surtout en comparant avec toutes les autres photos où on voit l'horizon montagneux... C'est vraiment flagrant et surprenant !
Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour arriver au bon endroit et entreprendre, enfin, l’ascension du cratère. Et croyez-moi, c'est pas une sinécure. Vous voyez la scène de La Revanche des Sith, quand Anakin rampe dans les cendres et sa seule main valide s'enfonce péniblement dans la caillasse sans lui offrir de bonne prise ? Bah voilà, le sentier est raide, et il est comme ça. T’arrive en haut exténué, en sueur, et là, les mains sur les genoux pour mieux cracher tes poumons, tu te dis "Mais quelle idée de merde !". Vraiment, j'en avais plein le cul de cette montée, qui n'est pourtant pas si longue en plus (bon, j'avais toute la journée de marche derrière mais quand même). 

Jusqu'à ce que je me redresse enfin, le souffle moins haletant, et que j'embrasse la vue du regard :

Vue vers l'extérieur : Le lac Mývatn. Je me trouve sur l'arrête Ouest avec du coup une superbe vue sur le lac.
Le pseudo-cratère jouxtant Hverfjall et la zone active juste derrière. C'est une vue orientée Nord.
Vue vers l'intérieur du cratère.
Le groupe qui m'avait précédé redescendait, et j'avais repris mon souffle. Enfin seul (en tout cas de ce côté de la crête, difficile de bien voir de l'autre côté), je décide de marche le long du cratère en remontant par la gauche, vers l'arrête la plus élevée, qui donne sur l'Est. Après une petite marche venteuse - parfaite pour me faire oublier mon coup de soleil - j'arrive au plus haut sommet du cratère, avec une vue magnifique sur la plaine volcanique qui s'étant à l'Est :


J'ai donc décidé que ce serait l'endroit idéal pour poser mon sac à dos et faire une seconde pause casse-croûte / hydratation, en profitant du paysage...


 Et quelques zooms pour essayer de mieux rendre les détails :

Malgré les cendres noires et l'exposition au soleil, on voit que la neige n'a pas encore tout à fait disparu, ça donne une idée de la fraîcheur qui règne encore sur la région.



En redescendant j'ai croisé un groupe de jeunes que j'avais vu arriver et redescendre sans s'éloigner de l'arrivée au sommet. Voyant qu'ils avaient de gros appareils photo, de vrais appareils bien lourds, bref, les télescopes hors de prix, je leur recommande d'aller faire un tour plus loin sur le cratère (meilleure vue sur toute la plaine Est, tout ça), et l'un des mecs se rue sur la pente, coupant au plus court. Quand je suis arrivé en bas et que je m'étais déjà bien réengagé dans le champs de lave pour reprendre mon sentier de marche, je distinguais encore leur silhouette au sommet de la crête. Et j'ai souris.

Des fois, quelques minutes de marche de plus peuvent vraiment faire une grosse différence.

Entre deux sentiers sillonnant la roche volcanique, je passais maintenant par un "chemin" vaguement balisé au milieu du sable, ce qui ne rendait pas la marche très aisée...


Et parfois, il fallait traverser des clôtures pour continuer. On pourrait penser qu'ils installeraient des portillons dans ces cas là, c'est la solution la plus pratique, notamment pour les gens un peu fatigués ou âgés...

Mais non. Pour passer à travers des clôtures, la solution des Islandais c'est d'ENJAMBER la clôture !

Et j'en ai passé plusieurs des comme ça... T'as intérêt à avoir de l'équilibre, d'autant que je rappelle qu'on enjambe du fil barbelé sur un escabeau posé sur du sable. Hein.
L'entrée de Grjótagjá. Pas de quoi fouetter un chat, en apparence.
Finalement, après être sorti du champs de lave, le chemin m'a amené tout naturellement vers la grotte de Grjótagjá. C'est une grotte naturelle creusée par la lave et qui contient aujourd'hui une source chaude. Autrefois ouverte aux baigneurs, elle n’est maintenant autorisée que pour le plaisir des yeux... Et quand je suis arrivé, j'étais pas très impressionné : Les deux entrées ressemblaient aux entrée de toutes les grottes vues à Dimmuborgir, même si la lave refroidie autour était fort classe. Ce n'est qu'en y entrant que j'ai compris pourquoi on me l'avait recommandée :

Au-dessus de la grotte, une des fissures typiques de ces champs de lave. Or, si on ne vous le dit pas, jamais vous n'imagineriez que juste à quelques mètres sous vos pieds, on trouve ceci :




L'eau est à 44°, mais est déjà montée jusqu'à 50°. A cause du risque de montée rapide de la température, mais surtout des risques d'accidents stupides à cause du comportement à risque des touristes, l'endroit est interdit à la baignade sauf événement particulier. 

Heureusement, les locaux connaissent une autre grotte très similaire à celle-ci, plus longue et moins large, très profonde, et à laquelle on ne peut accéder qu'en descendant dans l'une des fissures dans la lave telle que celle que je vous ai montré plus haut. Il faut savoir où elle se trouve, car elle est paumée au milieu du champs de lave, et la descente est un peu difficile. Une fois au fond, il y a un petit ponton où on peut se déshabiller pour se baigner.

Or il se trouve que dans le gîte où je me trouvais le groupe de trois Norvégiens que j'y ai rencontré avaient été guidé jusque là, et si deux d'entre eux ne souhaitaient pas y retourner après une journée à vélo, leur camarade voulait "utiliser n'importe quelle occasion de se baigner dans une source chaude naturelle" et m'y a emmené. On a pris les vélos de locations et elle m'a guidé jusqu'à cette faille. Et là, le panard... On est resté pendant deux heures au fond de la crevasse dans une eau chauffée par une coulée de lave souterraine. Et personne n'est venu nous déranger, c'était le rêve. L'endroit était très chaud et humide à cause de la vapeur, et j'ai pas oser prendre des photos (j'avais trop peur de tuer l'appareil de Peter, déjà que pour celles que vous voyez là c'était parfois limite malgré les deux grosses entrées latérales qui aéraient bien), mais si elle m'envoie les images qu'elle a prises avec sa Go-Pro, j'en ferai un petit article en extra... D'ailleurs, plus la nuit tombait, plus l'air au-dessus de la crevasse se rafraîchissait... plus on voyait les volutes de vapeur se condenser dans l'air en fumerolles épaisses montent vers le crépuscule, au-dessus de nos têtes. Les gens qui y viennent régulièrement laissent même des bougies plates au peu partout, mais la lumière naturelle était suffisante pendant la plupart de notre temps sur place. Certains endroits sont peu profonds, d'autres on ne voyait même pas le fond malgré une eau cristalline, similaire à celle de Grjótagjá. Les rochers étaient parfois presque coupants, et il fallait donc faire gaffe où on mettait nos mains ou nos pieds en nageant d'un bout à l'autre de cette grotte. Mais cette atmosphère, ces couleurs... Il ne manquait que les pièces d'or brillant au fond de l'eau, un squelette posé sur un rocher agrippé au sabre toujours planté dans sa cage thoracique et l'écho lointain et lugubre d'une voix assénant "Dead men tell no tales...".

Passer deux heures dans cette source cachée au milieu du champs de lave restera l'une des choses les plus chouettes que j’ai jamais fait. Attention, Destin, quoi que tu me réserve pour mon avenir, la barre est haute !

Après Grjótagjá je suis simplement rentré, enfin, un peu fatigué, en faisant un détour parce que je n'arrivais pas à retrouver le sentier que je suivais jusqu'ici. Mais c'est pas grave, car ça m'a fait passer par une autre route où, fortuitement, je suis retombé sur les deux Américains en voiture, ceux qui m'avaient justement amené jusqu'ici. Plutôt que de rester à Akureyri, comme ils l'avaient prévu, ils avaient refait un crochet par le Lac des Mouches qui leur avait semblé pas mal, quand ils m'avaient déposé. On papote un peu et ils me proposent de m’emmener le lendemain à Húsavík, on se fixe une heure et le carrefour où je dois les attendre. Fantastique ! Pas besoin de mendier sur le bord de la route, le lendemain ! Gonflé à bloc par cette nouvelle, je rentre au gîte pour me faire à manger... Et c'est là que Inna m'a dit "Ils veulent pas venir se baigner, tu viens, toi ?"

Après la baignade on est rentré boire BEAUCOUP d'eau - c'est fou ce qu'on perd dans de l'eau à 44°, mine de rien... Il était déjà une heure du matin quand je suis allé me coucher, le soleil, lui, n'avait fait que se cacher sans vraiment partir et il n'a jamais vraiment fait nuit, comme en plein été à Helsinki. J'étais donc bien crevé en me levant le lendemain, remballant mon sac de couchage et mon sac à dos pour me pointer aux aurores au carrefour pour mon transport vers Húsavík. Et j'étais content de pas être sur le bord de la route pour des heures parce qu'il faisait de nouveau moche, froid et humide, avec une espèce de crachin qui n'ose pas dire son nom. Mais j'avais la pêche parce que, contrairement aux jours précédents, j'avais un plan pour aller jusqu'à la prochaine étape, du coup quand une voiture de japonnais s'est arrêté pour me demander où j'allais, j'ai décliné avec un sourire en expliquant que quelqu'un venait me prendre. Et vous savez quoi ?


Les américains ne se sont pas pointé.

2 commentaires:

  1. Magnifiques photos, comme d'habitude! (salut, je suis madame Redondante)
    (Au fait, ça y est, j'ai enfin une matinée de libre et j'en profite pour lire tous tes articles d'une traite!)
    (Je ne regrette pas d'avoir attendu, c'est passionnant!)
    (Par contre t'es salaud de finir sur des cliffhangers en mode TIN TIN TIIIIIIIN)
    (Pense aux gens qui te lisent dès la publication de tes articles, voyons!)

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