dimanche 24 août 2014

Le Road-Trip islandais : Skaftafell & Svartifoss

Je dois vraiment dire que j'ai beaucoup de bol de tomber sur des gens comme cette famille, qui furent non seulement des plus accueillants mais m'ont également conduis à gauche à droite pour me permettre de profiter du coin. Je crois qu'ils s'en faisaient une espèce de fierté, après tout, c'est leur région natale, leur Islande, et comme un Alsacien en Alsace, ils ont voulu me montrer que y avait plein de choses à voir sans avoir à aller vagabonder dans tous les sens. Deux sites très proches de Hof ont particulièrement attiré mon attention, bien que très différents.

Le premier est Skaftafell, une montagne dans le Parc National du Vatnajökull, le plus grand parc national d'Europe. N'étant pas équipé pour gambader sur le glacier, et ayant également pris la décision ferme et définitive de ne pas reproduire les anecdotes sur les touristes très cons dont mes amis secouristes m'avaient abreuvé, j'ai préféré faire une randonnée dans sa partie "boisée" et montagneuse, où l'on me promettait une belle chute d'eau et de beaux paysages. On me dépose sur le petit parking, un peu en hauteur, pour me laisser peut-être le temps de redescendre après-coup jusqu'au glacier, si la météo le permet. C'est donc sous un ciel maussade mais armé de ma bonne humeur de de ma nourriture séché que j'attaque le sentier de randonné, passablement déserté (j'avais plutôt tendance, au début, à croiser des gens qui repartaient en regardant le ciel d'un œil méfiant, puis j’ai été tranquille pendant un long moment).

Bon, ça commence par de de la grimpe en douceur, le sentier est étroit, longeant un petit ravin au fond duquel coule une rivière. Au bout de ce ravin, m'annonce mon petit prospectus informatif, il y a Svartifoss, littéralement : "La chute noire". Alors on se souviendra que les Islandais ne se cassent pas le cul pour trouver des noms, donc si on vous annonce qu'un truc est noir, c'est pas comme le Périgord Noir ou le Pinot Noir, non, non. 

Noir.


Le canyon commence dans ce cirque naturel créé par du basalte, dans lequel vient se jeter une rivière. Le sentier longe les deux crêtes en vis-à-vis et un pont en bois permet de traverser la rivière, devant les chutes bien entendu, pour bien remplir la carte mémoire profiter du paysage. Comme il pleuvait les pierres étaient glissantes et le sentier un peu boueux, la précaution était donc de mise, mais j'avais les chutes pour moi tout seul, ou presque, un couple arrivant au moment où je repartais de l'autre côté du ravin pour découvrir ce qu'il y avait au-delà. Le couple, lui, a simplement tourné les talons après une séance rapide de photo-shoot et est reparti par le même sentier qu'ils avaient pris pour venir... J'ai à peine eu le temps de remonter les marches et le chemin vers le sommet de la crête qu'ils avaient le temps d'"observer", de prendre leurs selfies et de repartir... Mais bon, ils avaient peut-être un timing serré.

Comme sur cette plage, sur le chemin de Hof, je m'émerveille de la géométrie choisie par la nature en contemplant cette roche volcanique. D'ailleurs, c'est amusant de voir que la couleur noire se restreint à ce croissant de lune alors que les formations qui l'entoure sont du même gris déjà observé auparavant.


Un petit sentier permet de s'approcher un peu mieux de la chute et de regarder ces formations naturelles de plus près... Le bruit de l'eau se réverbère et gronde autour de moi, la pluie reprend, mais je m'en moque... L'endroit est magnifique.


Passé de l'autre côté, on voit un peu mieux la roche noire... et à gauche des blocs octogonaux, du gris habituel.

En marchant vers Sel.
En continuant mon chemin, je vois un petit panneau qui indique "Sel" à quelques kilomètres à l'Ouest... Ne sachant pas de quoi il s'agit et n'étant pas encore fatigué, je décide de faire un "petit détour", histoire de me coucher moins bête. En plus il y avait plein d'oiseaux et personne pour me gâcher mon plaisir... Or, après un peu de marche, il s'est avéré que Sel est un petit regroupement de maisons traditionnelles restaurées, ouvertes à tous pour se reposer, s'abriter, prendre son casse-croûte. Un endroit très chouette avec une superbe vue, raison pour laquelle j'ai fais ma pause dehors (en plus c'était le seul moment où j'ai eu un peu de soleil !)

Sel, et sa vue sur la plaine (enfin, je devrais dire la plage vue qu'en face de ce néant, c'est la mer) On voit bien la rupture entre le terrain où ça pousse, et celui où... quedalle. J'imagine qu'en cherchant bien on doit trouver un panneau "Welcome to Mordor".
Je continue ma route, qui fait en fait une boucle et me ramène naturellement vers le sentier de randonnée. Je constate qu'il y a plus de touristes maintenant qu'il ne pleut plus, mais c'est pas grave, on est loin de l'affluence de la pleine saison... J'échange d'ailleurs quelques mots avec un Chinois qui lorgne sur mon poisson séché et me demande ce que c'est. Je lui laisse goûter, fais la promo des produits locaux, bref, c'est de nouveau moi Florent-qui-fait-le-boulot-de-l'office-du-tourisme. Mais le moment inattendu mais génial (parce qu'inattendu ?), ce fut d'arriver à la chute de Magnúsarfoss. Non seulement parce qu'elle est jolie, mais parce qu'en arrivant par l'amont, on ne se rend pas compte qu'elle est là. J'ai simplement suivi un tout petit chemin pour descendre vers la rivière et prendre une belle photo d'une cabane en bois dans le canyon, quand je me suis rendu compte que la rivière disparaissait dans un ravin... pas de panneau, de barrière, de cordon : On se tient sur le rebord de l'à-pic sans protection.

Il y aura une vidéo de ça, les amis, je peux déjà vous l’annoncer ^^

La même chute vue d'un peu plus loin. Avec des gens pour donner l'échelle, ça donne une meilleure idée.
Alors si j'admets que j'ai moi aussi pris mes photos du haut de la chute et tout, je dois préciser que j'y suis pas allé comme un kéké... contrairement à d'autres. Un groupe de deux abrutis, notamment, dont un s'est laissé pencher en avant, talons sur la roche, pendant l'autre le retenait par la ceinture... Pas de corde ou autre, hein, les mecs y vont comme ça, à la main, sur de la roche mouillée et glissante, bravo, les gars ! Tout ça pour prendre une photo qu'on peut prendre en s'allongeant sur le rebord, comme la plupart des gens le font. Le pire c'est que, par mes amis secouristes, j'avais déjà entendu comment certains touristes n'avaient aucun sens du danger, ni respect pour les consignes de sécurité. Des gens qui prennent leur Toyota Yaris pour une excursion automobile sur un glacier (!!), qui emmènent leur mobile-home dans les Highlands au printemps contre tous les avis des gens locaux, ou mieux encore, à qui on loue des 4X4 en leur expliquant qu'il faut traverser les rivières à l'endroit le plus large, et lentement, mais qui se croient plus malins que le conducteur de jeep islandais et qui fonce à toute blinde dans l'endroit le plus resserré.

Parce que moins de distance + grande vitesse, on en sera sorti plus vite, hein ?.... Alors au cas où je rappelle que l'endroit le plus resserré d'une rivière est également le plus profond. Y foncer comme un bourrin c'est comme vous jeter dans un étang : c'est très con.

D'ailleurs, à cause de la forte récurrence de cette nationalité dans ce cas de figure, les secouristes, qui vont en récupérer comme ça assez souvent, appellent ça le "French Way". Cocorico.

Toujours est-il que j'ai pas mal pensé au fait qu'en France, ou en Allemagne, les endroits dangereux sont toujours marqués, barrés, signalés, bloqués, surveillés... alors qu'en Islande, à part pour protéger la flore, pratiquement jamais. On fait confiance au bon sens des gens, à leur jugeote, quand en Europe centrale les gens se sentent souvent "trop couvés", "surprotégés". En voyant ces deux couillons et en me souvenant de toutes ces anecdotes, j'ai pensé : Mais en fait, ils ont peut-être raison de ne pas nous faire confiance. Finalement.

Je suis redescendu jusqu'à l'aire d'accueil des touristes, dans la plaine, et n'étant pas encore fatigué, j'ai demandé à l'Info combien de temps ça prenait d'arpenter le sentier dans l'autre direction pour aller voir le glacier. "Une heure... ça dépend comment vous marchez". Hei, baby, j'ai appris la randonnée dans les Vosges avec un sous-officier de l'infanterie française, tu vas pas me la faire. Pas impressionné par le temps couvert et le vent froid qui m'arrive de l'Est, je me met en marche en fredonnant Tri Martolod. Ne me demande pas pourquoi, je l'ai eu en tête pendant toute la marche vers le glacier. Une marche des plus sympathiques dans la plaine que j'avais eu le loisir d'observer depuis les hauteurs, dans une ambiance étrange, froide, grise, et pourtant pas hostile. Les autres randonneurs revenaient tous du glacier, et personne n'y allait derrière moi... je me suis mis à espérer...

D'abord j'ai senti le glacier, l'air froid porté par le vent d'est. Et puis, au bout d'un moment, j'ai fini par le voir. Une longue bande de glace qui s'étendait entre deux montagnes, veiné de noir...


Le sentier débouche sur un petit promontoire avec un panneau explicatif - rappelant notamment que se baigner dans une eau de glacier à 1 ou 2 degrés dans laquelle flottent de gros morceaux de glace, c'est pas une bonne idée - et devant moi, une grande plaine de caillasse noire et grise. On voit bien le recul du glacier depuis la mise en place du panneau. Lorsque j'arrive, un groupe de touriste est justement devant ce panneau et photographie Vatnajökull de loin, puis... repart. Curieux, pensé-je, puisqu'on a le droit de s'avancer jusqu'à lui (voir de grimper dessus si équipé convenablement). Je m'avance donc dans cet espace vide, mes rangers s'enfonçant parfois dans les galets et le sable, je longe la petite lagune qui, loin, rejoint l'océan. Le glacier devant moi révèle sa véritable échelle et sa splendeur à mesure que je m'approche. En effet, le sable ruisselant sur le glacier en fonte créé des veines et des marbrures superbes, qui rappellent à mon estomac rempli de poisson séché une énorme meringue. Oui, je sais, mais bon, j'avais faim.

Quand je me retourne (toujours se retourner en randonnée, un paysage peut en cacher un autre), je me rend compte que... je suis tout seul, dans cette plaine. Les touristes sont partis, aucun autre ne m'a rejoint. Il n'y a que moi et Vatnajökull. Pas un bruit, pas un mouvement, le paysage semble mort et désolé, et pourtant la force qui se dégage du glacier est pleine de vie. Le froid irradie littéralement de la façade gelée, même à bonne distance. Je reste un moment au milieu de cet endroit pour profiter de l'instant, et ce n'est qu'à l'apparition d'un groupe de marcheurs, au loin, que je décide de rebrousser chemin. Je prends encore quelques photos avant de partir et marche d'un pas satisfait vers l'aire d'accueil pour rentrer à Hof...





Pour le coup, je dirai que ce fut ma première rencontre en face à face avec l'Islande. J'avais vu plusieurs endroits très chouettes et tout (notamment la "lagune du glacier", juste avant), mais c'était la première fois que je me retrouvais dans un endroit aussi immense et aussi beau. Et aussi seul. Pas âme qui vive, au milieu de nulle part. Un sentiment grisant sur lequel je reviendrai plus tard car il n'a cessé de grandir à mesure que ces expériences se reproduisaient... En tout cas, cette première fois m'a fait comprendre l'opportunité qui s'offrait à moi à voyager seul, hors-saison. Certes, je n'aurais pas la météo la plus clémente, certes je n'aurais pas droit à l'herbe ultra-verte et aux fleurs partout, certes je ne pourrais pas voir les Highlands... mais je me retrouvais en Islande avec si peu d'autres touristes que j'allais pouvoir, parfois, être tout seul face à sa nature... Et en comprenant ça, je vous laisse imaginer le plaisir qu'on ressent...

1 commentaire:

  1. Le sous-officier d'infanterie a beaucoup aimé ton récit, comme tous les autres d'ailleurs. Ta façon de nous faire voyager avec toi est un régal et en plus, accompagné d'un plaisir pour les yeux.

    RépondreSupprimer