dimanche 31 août 2014

Le Lone-Trip islandais : Hverfjall & Grjótagjá

En sortant de Dimmuborgir, le sentier sinueux qui doit me ramener en ville traverse un champs de lave envahi par la végétation, pour mon plus grand plaisir. Face à moi, se découpant dans l'horizon d'un ciel bleu comme j'aurais aimé en voir plus souvent, le cratère du Hverfjall. C'est un volcan endormi, qui "culmine" à 420 mètres d'altitude, et domine le paysage immédiat au bord du lac. Malgré la matinée et le début d'après-midi de marche, avec cette pause succincte au café de Dimmuborgir, je me sens d'humeur aventureuse et décide que, si le chemin m'amène près du cratère, j'en profiterai pour monter jusqu'au sommet. Faut dire que mon sac à dos est moins lourd, puisque j'ai pu laisser une partie de mes affaires au gîte, donc bizarrement, je me sens plus léger. Et si en sortant des formations volcaniques je rencontre bien deux touristes, je ne croise plus personne dans le champs de lave avant d'atteindre le cratère...

L'endroit est calme est silencieux, les pierres ont souvent des formes fantasques dans lesquelles on peut voir des figures, des silhouettes, des visages... Pas étonnant que l'île foisonne de légendes de géants ou de trolls inspirés par le paysage... J'admire aussi la ténacité et la force de la végétation qui arrive à pousser absolument n'importe où, dans la moindre faille, la moindre fissure dans la roche... S'il y a une seule opportunité, la nature la saisit.

J'adore la lave refroidie... On peut encore bien voir comment elle s'est répandu lentement avant de finalement former cette croûte noire...
Le champs de lave à perte de vue...
Et puis, arrivé au pied du cratère, le paysage rocailleux mais néanmoins couvert de végétation change radicalement pour se transformer en désert de cendre noire qui s'élève, d'abord en pente douce, jusqu'à devenir le cratère de Hverfjal. Alors qu'on ne s'y méprenne pas, l'échelle est trompeuse : On dirait qu'il suffit de crapahuter en haut d'une petite dune mais non, ça marche pas comme ça. Déjà, il y a une sorte de "rampe" pour accéder au cratère, on n'y monte pas par n'importe quel versant, mais en plus, ce n'est pas une petite dune. Du tout.

Le cratère, une aride montagne de cendres.
Alors que je contourne le cratère pour trouver le chemin qui monte sur son flanc, je dépasse un vieux monsieur qui marche seul dans la même direction. Il m'interpelle alors "Excusez-moi, vous parlez Français ?"

DUNDUNDUUUUUN.

Je me retourne. Le pauvre homme ne porte même pas de chapeau sous ce soleil de plomb et visiblement, il a besoin d'un coup de main. Je ne peux décemment pas lui répondre "Nein, tut mir Leid !" et me casser. Je réponds donc que oui - en Français, hein - et il m'explique qu'il s'est séparé de son groupe, qu'il s'est perdu, et que comme je vais probablement rejoindre le parking avant lui, si je vois une voiture de telle couleur avec telles personnes, si je pouvais leur dire de venir le chercher, ce serait chouette. Évidemment, je lui assure qu'il n'y a pas de problème, et comme je vois qu'il n'a même pas une bouteille d'eau, je lui en offre (Oui, le socionome en moi a immédiatement pensé à l'hydratation, que voulez-vous). Et là, un truc étrange se passe. Il me remercie longuement et sincèrement, jusque-là tout va bien, et ajoute : "Vous êtes vraiment tous adorables dans ce pays".

Hum... je sais que les nordiques sont habituellement très bons en langue, mais je viens de lui parler dans un Français natif, sans accent... Bon, j'essaye quand même, et je lui dit "Ah mais je ne suis pas Islandais, monsieur", mais il devait pas bien écouter car il continue à vanter les mérites de "votre île" et m'assure qu'il recommandera à tous ses amis de venir en vacances ici. J'avais envie de répondre "Mais je m'en fous, je ne SUIS PAS ISLANDAIS !!" ("BORDEL !!"). Et finalement j'ai juste souri, repris ma bouteille et continué mon chemin. Un peu plus loin j'ai remarqué que la voiture en question roulait déjà vers lui, sa femme n'étant pas comme ça et ayant pris l’initiative de faire des recherches, du coup j'ai pas eu à faire grand chose, si ce n'est offrir un peu d'eau et donner une belle image... de l'Islande.

C'est décidé, à l'avenir j'enverrai une facture aux offices de tourisme.

Je continue mon chemin vers la "rampe", ce chemin merdique difficile qui mène au sommet du cratère (hors champs à droite) A l'horizon, on remarque les montagnes orangées derrière lesquelles se trouve Námaskarð, la zone volcanique qui ressemble à Mars. D'ailleurs on voit bien la différence de couleur avec les autres montagnes alentours, surtout en comparant avec toutes les autres photos où on voit l'horizon montagneux... C'est vraiment flagrant et surprenant !
Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour arriver au bon endroit et entreprendre, enfin, l’ascension du cratère. Et croyez-moi, c'est pas une sinécure. Vous voyez la scène de La Revanche des Sith, quand Anakin rampe dans les cendres et sa seule main valide s'enfonce péniblement dans la caillasse sans lui offrir de bonne prise ? Bah voilà, le sentier est raide, et il est comme ça. T’arrive en haut exténué, en sueur, et là, les mains sur les genoux pour mieux cracher tes poumons, tu te dis "Mais quelle idée de merde !". Vraiment, j'en avais plein le cul de cette montée, qui n'est pourtant pas si longue en plus (bon, j'avais toute la journée de marche derrière mais quand même). 

Jusqu'à ce que je me redresse enfin, le souffle moins haletant, et que j'embrasse la vue du regard :

Vue vers l'extérieur : Le lac Mývatn. Je me trouve sur l'arrête Ouest avec du coup une superbe vue sur le lac.
Le pseudo-cratère jouxtant Hverfjall et la zone active juste derrière. C'est une vue orientée Nord.
Vue vers l'intérieur du cratère.
Le groupe qui m'avait précédé redescendait, et j'avais repris mon souffle. Enfin seul (en tout cas de ce côté de la crête, difficile de bien voir de l'autre côté), je décide de marche le long du cratère en remontant par la gauche, vers l'arrête la plus élevée, qui donne sur l'Est. Après une petite marche venteuse - parfaite pour me faire oublier mon coup de soleil - j'arrive au plus haut sommet du cratère, avec une vue magnifique sur la plaine volcanique qui s'étant à l'Est :


J'ai donc décidé que ce serait l'endroit idéal pour poser mon sac à dos et faire une seconde pause casse-croûte / hydratation, en profitant du paysage...


 Et quelques zooms pour essayer de mieux rendre les détails :

Malgré les cendres noires et l'exposition au soleil, on voit que la neige n'a pas encore tout à fait disparu, ça donne une idée de la fraîcheur qui règne encore sur la région.



En redescendant j'ai croisé un groupe de jeunes que j'avais vu arriver et redescendre sans s'éloigner de l'arrivée au sommet. Voyant qu'ils avaient de gros appareils photo, de vrais appareils bien lourds, bref, les télescopes hors de prix, je leur recommande d'aller faire un tour plus loin sur le cratère (meilleure vue sur toute la plaine Est, tout ça), et l'un des mecs se rue sur la pente, coupant au plus court. Quand je suis arrivé en bas et que je m'étais déjà bien réengagé dans le champs de lave pour reprendre mon sentier de marche, je distinguais encore leur silhouette au sommet de la crête. Et j'ai souris.

Des fois, quelques minutes de marche de plus peuvent vraiment faire une grosse différence.

Entre deux sentiers sillonnant la roche volcanique, je passais maintenant par un "chemin" vaguement balisé au milieu du sable, ce qui ne rendait pas la marche très aisée...


Et parfois, il fallait traverser des clôtures pour continuer. On pourrait penser qu'ils installeraient des portillons dans ces cas là, c'est la solution la plus pratique, notamment pour les gens un peu fatigués ou âgés...

Mais non. Pour passer à travers des clôtures, la solution des Islandais c'est d'ENJAMBER la clôture !

Et j'en ai passé plusieurs des comme ça... T'as intérêt à avoir de l'équilibre, d'autant que je rappelle qu'on enjambe du fil barbelé sur un escabeau posé sur du sable. Hein.
L'entrée de Grjótagjá. Pas de quoi fouetter un chat, en apparence.
Finalement, après être sorti du champs de lave, le chemin m'a amené tout naturellement vers la grotte de Grjótagjá. C'est une grotte naturelle creusée par la lave et qui contient aujourd'hui une source chaude. Autrefois ouverte aux baigneurs, elle n’est maintenant autorisée que pour le plaisir des yeux... Et quand je suis arrivé, j'étais pas très impressionné : Les deux entrées ressemblaient aux entrée de toutes les grottes vues à Dimmuborgir, même si la lave refroidie autour était fort classe. Ce n'est qu'en y entrant que j'ai compris pourquoi on me l'avait recommandée :

Au-dessus de la grotte, une des fissures typiques de ces champs de lave. Or, si on ne vous le dit pas, jamais vous n'imagineriez que juste à quelques mètres sous vos pieds, on trouve ceci :




L'eau est à 44°, mais est déjà montée jusqu'à 50°. A cause du risque de montée rapide de la température, mais surtout des risques d'accidents stupides à cause du comportement à risque des touristes, l'endroit est interdit à la baignade sauf événement particulier. 

Heureusement, les locaux connaissent une autre grotte très similaire à celle-ci, plus longue et moins large, très profonde, et à laquelle on ne peut accéder qu'en descendant dans l'une des fissures dans la lave telle que celle que je vous ai montré plus haut. Il faut savoir où elle se trouve, car elle est paumée au milieu du champs de lave, et la descente est un peu difficile. Une fois au fond, il y a un petit ponton où on peut se déshabiller pour se baigner.

Or il se trouve que dans le gîte où je me trouvais le groupe de trois Norvégiens que j'y ai rencontré avaient été guidé jusque là, et si deux d'entre eux ne souhaitaient pas y retourner après une journée à vélo, leur camarade voulait "utiliser n'importe quelle occasion de se baigner dans une source chaude naturelle" et m'y a emmené. On a pris les vélos de locations et elle m'a guidé jusqu'à cette faille. Et là, le panard... On est resté pendant deux heures au fond de la crevasse dans une eau chauffée par une coulée de lave souterraine. Et personne n'est venu nous déranger, c'était le rêve. L'endroit était très chaud et humide à cause de la vapeur, et j'ai pas oser prendre des photos (j'avais trop peur de tuer l'appareil de Peter, déjà que pour celles que vous voyez là c'était parfois limite malgré les deux grosses entrées latérales qui aéraient bien), mais si elle m'envoie les images qu'elle a prises avec sa Go-Pro, j'en ferai un petit article en extra... D'ailleurs, plus la nuit tombait, plus l'air au-dessus de la crevasse se rafraîchissait... plus on voyait les volutes de vapeur se condenser dans l'air en fumerolles épaisses montent vers le crépuscule, au-dessus de nos têtes. Les gens qui y viennent régulièrement laissent même des bougies plates au peu partout, mais la lumière naturelle était suffisante pendant la plupart de notre temps sur place. Certains endroits sont peu profonds, d'autres on ne voyait même pas le fond malgré une eau cristalline, similaire à celle de Grjótagjá. Les rochers étaient parfois presque coupants, et il fallait donc faire gaffe où on mettait nos mains ou nos pieds en nageant d'un bout à l'autre de cette grotte. Mais cette atmosphère, ces couleurs... Il ne manquait que les pièces d'or brillant au fond de l'eau, un squelette posé sur un rocher agrippé au sabre toujours planté dans sa cage thoracique et l'écho lointain et lugubre d'une voix assénant "Dead men tell no tales...".

Passer deux heures dans cette source cachée au milieu du champs de lave restera l'une des choses les plus chouettes que j’ai jamais fait. Attention, Destin, quoi que tu me réserve pour mon avenir, la barre est haute !

Après Grjótagjá je suis simplement rentré, enfin, un peu fatigué, en faisant un détour parce que je n'arrivais pas à retrouver le sentier que je suivais jusqu'ici. Mais c'est pas grave, car ça m'a fait passer par une autre route où, fortuitement, je suis retombé sur les deux Américains en voiture, ceux qui m'avaient justement amené jusqu'ici. Plutôt que de rester à Akureyri, comme ils l'avaient prévu, ils avaient refait un crochet par le Lac des Mouches qui leur avait semblé pas mal, quand ils m'avaient déposé. On papote un peu et ils me proposent de m’emmener le lendemain à Húsavík, on se fixe une heure et le carrefour où je dois les attendre. Fantastique ! Pas besoin de mendier sur le bord de la route, le lendemain ! Gonflé à bloc par cette nouvelle, je rentre au gîte pour me faire à manger... Et c'est là que Inna m'a dit "Ils veulent pas venir se baigner, tu viens, toi ?"

Après la baignade on est rentré boire BEAUCOUP d'eau - c'est fou ce qu'on perd dans de l'eau à 44°, mine de rien... Il était déjà une heure du matin quand je suis allé me coucher, le soleil, lui, n'avait fait que se cacher sans vraiment partir et il n'a jamais vraiment fait nuit, comme en plein été à Helsinki. J'étais donc bien crevé en me levant le lendemain, remballant mon sac de couchage et mon sac à dos pour me pointer aux aurores au carrefour pour mon transport vers Húsavík. Et j'étais content de pas être sur le bord de la route pour des heures parce qu'il faisait de nouveau moche, froid et humide, avec une espèce de crachin qui n'ose pas dire son nom. Mais j'avais la pêche parce que, contrairement aux jours précédents, j'avais un plan pour aller jusqu'à la prochaine étape, du coup quand une voiture de japonnais s'est arrêté pour me demander où j'allais, j'ai décliné avec un sourire en expliquant que quelqu'un venait me prendre. Et vous savez quoi ?


Les américains ne se sont pas pointé.

jeudi 28 août 2014

Le Lone-Trip islandais : Mývatn & Dimmuborgir

Pour bien comprendre mon état d'esprit, Mývatn fut l'une des plus chouettes étapes de ma présence en Islande. Oui, oui, rien que ça. Et ce pour plusieurs raisons :

Si vous comprenez, head-banguez.
L'endroit était superbe, le temps également, j'ai rencontré des gens sympas, et puis je sais pas, le contraste avec l'ambiance un peu glauque de mon passage à l'Est ? Toujours est-il que ce fut un plaisir de passer toute la journée de mardi à me promener dans les formations de lave de Dimmuborgir et de crapahuter sur le cratère Hverfjall pour embrasser l'ensemble du paysage. Ah, pour les gens qui écoutent des genres musicaux similaires aux miens, et bien qu'en règle générale je déteste faire des selfies, je dédie cette photo, parce que bon, voilà.

Mais commençons par le commencement. J'ai passé la nuit dans un gîte / camping un peu en dehors de la ville, parce que bon, hein, je suis pas à un peu de marche près (et que 60 euros la nuit, faut pas rêver). La veille, j'avais rejoins le site en profitant du cadre : D'énormes plaques de lave refroidie brisées qui s'empilent, s'ouvrent, se concassent... La roche noire a encore la forme des coulées, mais des crevasses se sont ouvertes avec le temps, parfois beaucoup plus profondes qu'on ne pourrait le penser. Une bonne partie des abords du lac est encore recouverte de lave refroidie, bien que la nature verte et vive ait déjà bien repris ses droits.

Les formes laissées par les coulées, lentement brisées par le temps.
Le lac et les montagnes derrière, bucoliques avec la petite église et tout... et le champ de lave.
L'une des gérante du gîte, Ingibjörg, a été l'une des chouettes rencontres. Elle est photographe et m'a montré l’impressionnant album de son travail sur l'Islande, des photos magnifiques qui m'ont fait baver d'envie... et qui m'ont rappelé qu'il fallait absolument que je demande à Peter de m'apprendre à faire de vraies, belles photos pros. Elle m'a aussi conseillé des endroits à voir, donné quelques astuces et infos, et en parlant elle a découvert que je connaissais un peu de culture traditionnelle islandaise, et que j'écoutais des rímur. Toute contente, elle m'a parlé de son club de danse folklorique et m'a offert un enregistrement de rímur. Une femme en or !

Suivant son conseil, je me met en marche pour aller voir les formations volcaniques de Dimmuborgir, à quelques kilomètres de là, ce qui me fait longer le lac sous un soleil radieux. Car oui, ici, on est bien au printemps (je n'ose pas dire été). D'ailleurs, détail amusant, Mývatn signifie le "lac des mouches" (oui, je sais, ça ferait un beau ballet), et les mouches en question sont pratiquement arrivées du jour au lendemain... quand j'étais là. J'avais donc l'insigne honneur d'être présent pour l'ouverture de la belle saison... et donc celle des mouches. Mais ça ne m'a pas dérangé, en fait, c'est surtout le soir en rentrant que ça s’est remarqué, la journée ayant été particulièrement agréable !

Un muret en pierre volcanique au bord du Lac des Mouches. 'tain, c'est pas très classe, une fois traduit...

Une vue du lac calme et du ciel bleu. On le sent le contraste avec les jours précédents ?
Après un peu de marche sur une route où j'ai pu saluer moutons et vaches, je dois bifurquer dans le champs de lave pour rejoindre Dimmuborgir, au bout d'une longue piste noire. Je papote avec un retraité allemand qui s'arrête pour prendre une photo mais ne me proposera pas de m'emmener plus loin, hein, alors que c'est assez clair qu'on y va tout les deux, à Dimmuborgir, mais soit. Il me saluera le lendemain avec un petit coup de klaxon en me croisant sur la route en sens inverse, comme pour me souhaiter bonne chance, ça m'a fait plaisir ! Et la vue sur le cratère était suffisante pour me faire oublier de râler !

Hverfjall m'appelle, au loin. Lui répondrai-je ?
Finalement j'arrive à une sorte de café-restaurant-souvenirs où je fais une pause, assis à la terrasse qui surplombe l'ensemble de colonnes et d'étranges statues naturelles faites de lave refroidie. L'ensemble une ancienne cité en ruine, d'où son nom Dimmuborgir, Cités Noires, un nom qui claque à côté du Lac des Mouches, surtout quand on sait que les chrétiens y voyaient l'endroit où Satan se serait écrasé lorsqu'il fut chassé du paradis. Bref, un endroit d'enfer ! (PadamPshiii, merci, merci). Vu de la terrasse, l'ensemble ressemblait à une sorte de labyrinthe naturel rouge et noir, invitant le visiteur à venir s'y perdre...

Si vous choisissez de prendre à gauche, allez page 12...
Désolé, on ne peut pas toujours choisir l'angle de la prise de vue par rapport à la position du soleil :-(
Lorsqu'on s'engage dans les chemins qui sillonnent les Cités Noires, plusieurs sentiers s'offrent au visiteur, de facile à "vaguement balisés, à vos risques et périls". En réfléchissant un peu, il était assez facile de combiner plusieurs sentiers pour en voir un maximum sans repasser 36 fois par les mêmes endroits, tout en rentrant au gîte au final ! J'ai donc suivi une partie du sentier "médium" avant de revenir sur mes pas en prenant le sentier "à vos risques et périls, mettez de bonnes chaussures", avant de repartir par un sentier qui sortait de Dimmuborgir et rejoignait Reykjahlíð en passant à côté du cratère...

Les structures monumentales prennent parfois des formes étranges : tours, arches, tunnels, crevasses... Il y a des tas de sentiers et de pistes d’animaux qui partent dans tous les sens, des entrées de grottes, de fissures dans la lave... Et le sentier "sauvage" nécessitait de grimper en partie sur des "chemins" et des escaliers qui montaient à flanc de roche.

Que voyez-vous ?
Je m'émerveille devant cette création de la nature...
Le Grand Œil voit tout.
Comme on le voit, on est assez tranquilles sur le chemin "difficile". Du coup fallait compter tout de même avec les parties boueuses et les crevasses traîtres. Bonnes chaussures impératives !
Une colonne cyclopéenne s’élève dans l'horizon impie de la Cité Noire. (HPL-fans, vous encore)
Des fois j'aimerai être calé en géologie pour bien comprendre comment on arrive à ce résultat-là.

Au fond d'une cavité, le tunnel continue si on s'y glisse, mais je n'y ramperai pas...
Une chambre de magma vide a fini par s'effondrer, créer ce grand trou par lequel on accède via un petit tunnel... Parfait pour se reposer au frais quand le soleil tape un peu trop fort.
De près la lave offre un festival de couleurs et de textures, malheureusement d'une grande fragilité...



Prendre le chemin difficile m'a permis de profiter de Dimmuborgir sans me taper les autres randonneurs, notamment beaucoup de Français que j'entendais jacasser à la terrasse en se plaignant de trucs ridicules, et un boloss qui se la pétait en pseudo gangsta impeccable alors que c'est vraiment pas l'endroit où tu viens en tenue urbaine proprette, le mec on voit qu'il vient en voiture avec sa copine et qu'il prend des photos depuis la terrasse... Y avait quelques classes islandaises aussi, très polies (les enfants disaient bonjour et tout), mais profiter en paix de la ballade c'était quand même sympa. J'ai bien croisé deux mecs qui prenaient le chemin en sens inverse mais ils prenaient à peine le temps de regarder, prenaient des photos vite fait et repartaient, j'ai trouvé ça dommage...
Le chemin qui sortait de Dimmuborgir pour traverser les champs de lave jusqu'au cratère passait par cette arche, comme une porte de sortie monumentale. Un panneau indique cependant de ne pas grimper sur la roche en dehors du sentier, donc évidemment, le groupe de touristes suédois que j'y ai croisé prenait la pose... assis un peu partout, sauf sur le sentier. Put*in de touristes.
Prochaine étape : Hverfjall !

Alors avant de partir, j'ai oublié de mentionner un petit détail... Car après tout le côté volcan, Satan tombé du ciel et Lac des Mouches, une seule légende manquait à l'appel, et non des moindre. Pierre maudite ?  Présence démoniaque ? Non. Enfin presque.

Le Père Noël.

Enfin leS PèreS Noël, puisqu'en Islande, la tradition retient 13 Compagnons de Yule / Noël, les Jólasveinarnir. 13 trolls progénitures de la géante Grýla, équivalent féminin du père Fouettard germanique (Tel notre Hans Tropp alsacien !), un monstre qui vient aux alentours du Solstice d'hiver / Noël pour s'emparer des enfants pas sages. Et les manger. Et elle, y a pas le Saint Nicolas derrière pour sauver les petits enfants en détresse. Au lieu de ça elle a 13 horribles gamins qui viennent enfoncer le clou en foutant le boxon. Ah, le Solstice, c'est pas une fête de fillettes !

OK, maintenant on dit qu'ils "jouent des tours" - aha, l'euphémisme ! Parce que bon, jouer des tours, dans la légende d'origine, ça inclue meurtres et actes de barbarie, y compris manger des enfants. Aujourd'hui, des panneaux vous accueillent à Dimmuborgir, leur résidence, en les représentant comme ceci :

Ils sont pas mignons, nos ogres voleurs et meurtriers ? Aah, la magie de Noël dans le Nord !
Bon, faut dire qu'aujourd'hui, leurs mœurs se sont adoucies, et comme le Bouc de Yule de Fenno-Scandinavie (oui, le Père Noël en Finlande s'appelle d'ailleurs toujours ainsi, Joulupukki. Vous voyez les petites décos de boucs en paille sur la table et dans le sapin d'un autre œil, maintenant, hein ?), ou comme Saint-Nicolas d'ailleurs, nos Compagnons de Yule ont été lentement assimilés au Père Noël, une figure qui regroupe décidément bien du monde son son manteau rouge... On notera à ce propos que comme dans tous les pays nordiques, Noël est toujours appelé Yule / Jól / Jul / Joulu, c'est à dire le nom de la célébration pré-chrétienne du Solstice d'Hiver. Y a des restes, comme ça!

Bref, d'après le folklore islandais, j'étais à la maison des Pères Noël. Qui habitent dans un champs de lave.


 Mais ils devaient être en vacances, j'ai vu personne :-(

mercredi 27 août 2014

Le Lone-Trip islandais : Sur la route de Mývatn & Námaskarð

Quand je me réveille à Egilsstaðir, le lundi matin, le temps est pour ainsi dire maussade. Je prépare mon Rucksack, remballe mon sac de couchage et après un petit-déjeuner équilibré (hot-dogs, avec le reste de pain et de saucisse que m'avais filé Svavar la veille, accompagnés de figues séchées), je sors et demande mon chemin à la station service, achetant une bouteille de malt extract au passage parce que quand même, un pays qui n'est pas l'Allemagne mais boit de la Karamalz, ça se soutient. Renseigné je me met en chemin sur la route qui mène à Mývatn, bien décidé à ne pas traîner mes guêtres dans l'Est plus longtemps... et quand je vois comme j'ai galéré pour atteindre mon objectif, je m'en félicite, j'ose à peine imaginer voyager dans les parages plusieurs jours, à faire pratiquement tout à pieds...

Je suis arrivé dans une région où je voyais plus de chevaux que de moutons !
Au début, j'y ai cru, car un petit vieux me prend après seulement un ou deux kilomètres... pour ne m'amener qu'au bout de la zone urbaine. J'ai probablement gagné 10 minutes, mais c'est déjà ça de pris, hein ? J'observe le lac depuis l'endroit où il m'a déposé et me met en chemin quand je constate que personne ne fait même mine de ralentir à ma présence... Je sais que la route entre les deux villes est longue, et que je devrais rester près des habitations, au cas où. Mais allez savoir pourquoi, le froid et la pluie, peut-être, ou encore le fait qu'il ait commencé à grêler, je me suis dit qu'être en mouvement serait pas mal, quand même. C'est la deuxième journée de marche qui commence pour moi... et alors que je quitte Egilsstaðir, le panneau électronique qui annonce les conditions de la route qui monte vers le plateau annonce -1°.

Woop Woop !

Et c'est la journée où j'ai le plus marché au bord de la route, je n'ai pas compté en temps ou kilomètres mais c'était plus que la veille, et dans une solitude renforcée par le paysage plus fermé, le climat plus froid. En effet, la route montait, descendait, tournait, il n'y avait pas la même impression de ligne droite infinie, les montagnes étaient généralement des deux côtés, avec des nuages bas et parfois de la brume. Ou de la pluie. Et même, dans les hauteurs, de la neige. Sans parler du plateau, mais je n'y suis pas arrivé à pieds, heureusement ! Et ce fut une journée fantastique. Si, si, je vous jure.

Cette randonnée introspective a surtout commencé après avoir quitté le vieil homme et sa Ford. Car après une heure de marche environ, un vieux monsieur s'arrête et m'embarque pour m'amener un peu plus loin dans la bonne direction. Il conduit une vieille Ford qui peine à dépasser les 70 km/h, au tableau de bord recouvert d'une espèce de moquette / fourrure brun DDR et qui n'a pas vu un aspirateur depuis des années. Il ne parle pratiquement rien d'autre que l'Islandais, et alors qu'il ralentit au bord d'un fossé, c'est avec les mains et des onomatopées qu'il m'explique que le mouton mort qu'il inspecte vaguement a dû être renversé par une voiture qui roulait trop vite et l'a pas vu - poom ! - et abandonné dans le bas-côté. Ambiance ! Heureusement que j'ai des réflecteurs à mon sac à dos, hein...

On finit par passer un pont enjambant un superbe ravin au fond duquel coule une rivière et je me dis "ah, j'aurais bien aimé jeter un œil de plus près", et justement, le monsieur s'arrête sur le côté. J'ai d'abord pensé qu'il avait remarqué mon intérêt, mais non, en fait, il allait bifurquer sur un chemin de terre et rejoindre sa ferme, et moi je devais continuer. Je réalise alors que je suis au milieu de nulle part, littéralement, en montagne, avec rien autour. Du tout. D'ailleurs, depuis le pont, voici la vue de chaque côté :



Il faut savoir que les écouteurs de mon lecteur MP3 étaient morts depuis mon premier mois sur l'île, et que je n'en avais pas racheté depuis. Du coup, je n'avais même pas emmené le lecteur avec moi, et c'était une excellente chose. Je n'aurais probablement pas hésité à écouter de la musique pour m'encourager, tel un joggeur, et pour ne pas déprimer quand la vingtième voiture m'a ignoré. Mais j'aurais raté la véritable expérience de ce voyage, mon face à face avec la nature, d'abord, et avec moi-même. J'ai beaucoup fredonné, siffloté et même chanté sur la route, et quand j'en ai eu assez j'ai commencé à cogiter. J'avais plein de choses qui me préoccupaient et me faisaient travailler les méninges. J'ai tout d'abord pensé à ma situation économique, les études, le rapport de stage, la couverture sociale, trouver un petit boulot, apprendre le Finnois... et puis kilomètre après kilomètres ça s'est resserré sur mon couple mourant, Ada m'ayant parlé de ses doutes depuis février. Je sentais déjà que les choses allaient mal finir et j'ai essayer d'envisager tous les scénarios, relativiser, chercher des solutions, comment l'aider, comment sauver notre relation, comment me préparer si c'était bel et bien fini... Et puis ça s'est encore resserré sur moi. Pas une réflexion bidon "la vie, l'amour, la mort" avec montage vidéo sur fond de guitare sèche et coucher de soleil. Non, plutôt mes choix, mes responsabilités, mes devoirs, mes contraintes, la bipolarité. Une longue introspection bercée seulement par le vent et les chants cris des oiseaux. Le froid, la pluie et la neige, et le vide autour de moi m'ont remis, concrètement et physiquement, à ma place. J'avais mal aux jambes, la peau cramée, et personne ne me prenait, mais je devais avancer, parce que je n'avais pas le choix. On est finalement assez rarement confronté à des situations où on se retrouve seul au milieu du néant avec seulement soi-même pour s'encourager et se motiver, sous peine de se retrouver dans une situation vraiment dangereuse. Pas difficile ou délicate, mais réellement, physiquement dangereuse. Rien à des kilomètres dans n'importe quelle direction, peu de trafic... Je ne pouvais compter que sur moi. Si je réussissais où si j'échouais à atteindre mes objectifs, il n'y avait que moi à féliciter ou blâmer. C'était comme en Grèce, quand je suis parti voir les Météores en solo, mais sans filet, cette fois. J'ai appris à mieux connaître mes limites physiques et mentales pendant ce voyage, et ce jour-ci en particulier fut une étape déterminante.


La route du Nord...
L'endroit où j'ai fait ma pause casse-croûte ! Pas de trafic donc tranquille sur le bord de la route...
Heureusement, je n'ai pas eu à mourir de froid sur le plateau toujours enneigé. Un couple d'Américains dans une bagnole de location riquiqui finit par m'embarquer du côté de Hofteigur, soit, depuis le pont, 20,7 kilomètres de marche (merci Google pour la précision), et alors que nous faisons connaissance, nous passons les hauteurs de Þjóðfell, prenons quelques photos et finalement redescendons en "plaine", passant officiellement dans la Région Nord.

Les plateaux encore enneigés que je suis bien content de ne pas avoir eu à franchir à pieds !
Petit arrêt pour qu'ils se dégourdissent les jambes et profiter du paysage. On remarquera une nouvelle fois les cairns au bord de la route.
La route se passe bien, nous arrivons bientôt à Mývatn, et le soleil est de nouveau de la partie, comme pour me confirmer que j'ai bien fait de laisser l'Est derrière moi pour me consacrer au Nord. Et en guise de bienvenue, la région nous offre un premier aperçu de sa nature volcanique... active. Nous sommes en effet arrivés à Námaskarð, près du volcan Krafla. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'après les Fjörds de l'Est et les pâturages du Sud, le dépaysement était assuré :

Les couleurs m'ont immédiatement frappé, surtout après le gris/vert omniprésent de mon voyage jusqu'à présent.

Je vous laisse imaginer l'intense odeur de souffre qui flotte dans l'air à cet endroit...


Nuages et fumerolles volcaniques se mêlent dans le ciel...
L'odeur, le bruit, le paysage... on a l'impression d'avoir radicalement changé d'endroit du globe après les Fjörds froids et humides...
En fait, les fumées sortaient de nulle part avec une telle puissance et une telle chaleur, qu'on se prenait à regarder le sol pour éviter de se trouver bêtement au mauvais endroit, si jamais une nouvelle faille devait apparaître...
Ces colonnes de fumée volcanique crachent le souffre en non-stop dans un vrombissement impressionnant. On a l'impression d'entendre la Terre respirer...
Et la boue, là, est littéralement bouillante. Tomber dedans, c’est mourir.
Bienvenue sur Mars.
Après ce premier émerveillement, nous avons rejoins Reykjahlíð, au bord du lac Mývatn, de l'autre côté de ce pan de montagne fumant que vous voyez sur ces photos... Ils m'ont déposé à une supérette et j'ai finalement trouvé en demandant à gauche à droite un gîte-camping pas trop cher pour passer la nuit. Je pensais ne rester qu'une nuit, mais c'était sans compter la beauté de l'endroit...