Après une splendide journée à Mývatn, je repars au petit matin. L'arrangement avec mes deux contacts américains n'ayant pas été respecté, je me retrouve de nouveau sur la route, et comme par hasard, il fait de nouveau froid et humide. Pourtant, cette journée commence mieux que mon auto-stop habituel, et je suis "rapidement" pris par un couple de touristes Alsaciens (arrivés tout droit de Mulhouse) qui, par chance, va justement jusqu'à Húsavík, ma prochaine destination (en même temps c'était ça ou Akureyri). J'arrive donc assez tôt dans ce port de pêche célèbre pour ses baleines. Comme je n'avais pas 50 € minimum à mettre dans un tour de bateau pour apercevoir - peut-être ! - le dos d'une baleine, j'ai passé mon tour. Faut dire que la chance de les voir est quand même loin d'être garantie, et on te rembourse pas la moitié si t'as vu que des vagues, alors que pour les tours qui te proposent de "chasser les aurores boréales" t'offrent en général une seconde tentative si t'as rien vu.
Mais pas une troisième : si t'as la lose, t'as la lose.
Bref, Húsavík. C'est une charmante bourgade en bord de mer avec une église en bois ravissante mais qui n'a, il faut bien l'admettre, pas grand chose à offrir en dehors de ses "visites de baleines" aux tarifs prohibitifs et son symbole : En effet, la ville fut la première colonie scandinave en Islande, en 870 AD. Du coup on fait très vite le tour de la "ville", qui est soit dit en passant assez jolie, mais je n'avais guère de raison de rester très longtemps.
Húsavík : maisons en bois, chalutiers et baleines (peut-être). |
L'église de Húsavík est vraiment très jolie. |
L'intérieur est assez surprenant, très coloré et coquet. Et puis bon, le drapeau dedans et tout quoi... |
La plus sûre était de profiter d'être dans un lieu très fréquenté par les touristes pour regagner Akureyri assez facilement. Avec un peu de chance, je pourrais même me permettre de faire un arrêt à Goðafoss, l'une des chutes les plus célèbres.
Ou bien je pouvais tenter de partir encore plus vers le Nord-Est, dans un trou perdu probablement mal desservi pour aller voir un site naturel moins visité, au risque de perdre énormément de temps sur la route et d'arriver très tard à Akureyri.
Devant ce calcul extrêmement simple, j'ai donc tout naturellement choisi de me rendre à Ásbyrgi. Parce que si j'avais pu passer les Fjords de l'Est, je pouvais bien tirer jusqu'à Ásbyrgi. L'endroit en question est une gorge en forme de fer à cheval, que la légende attribue au sabot de Sleipnir (le cheval à huit pattes du dieu Odin) (Je dois quand même pas expliquer qui est Odin, si ?). Je ne pouvais donc pas laisser passer ça, si déjà j'étais "à côté" - enfin, à soixante bornes quand même. L'empreinte de sabot de SLEIPNIR, quoi !
Bref, vous connaissez la chanson, maintenant : je marche un moment, on me prend pour m'amener "un peu plus loin", on me lâche, et je marche pendant environ cinq kilomètres sur une longue ligne droite en direction d'une région au-dessus de laquelle je vois une énorme masse grise et menaçante. Finalement, une femme m'embarque, en m'expliquant qu'elle se rend quelque part dans le fin fond de l'Islande pour le travail. Alors que nous arrivons près du centre d'acceuil d'Ásbyrgi, il commence à pleuvoir des cordes. Depuis le parking, je peux voir la gorge s'ouvrir mais le ciel est gris et le fond de gorge est troublé par de la brume, ou des nuages excessivement bas, difficile à dire.
Ma conductrice est déjà repartie quand j'entre dans le centre d’accueil, un grand bâtiment avec plusieurs ailes, incluant une petite exposition et une boutique de souvenir, en plus du grand guichet pour informer les visiteurs.
Et il n'y a pas un chat.
Mis à part une seule hôtesse au guichet, pas âme qui vive dans le bâtiment déserté. Dehors, la pluie se transforme en grosse neige le temps d'une giboulée et nous papotons un peu. Elle me recommande d'attendre un peu avant d'aller visiter la gorge - sans déconner ! - et s'excuse de n'avoir que de l'eau à offrir. Qu'à cela ne tienne, je vais à la station service toute proche m'acheter un malt extract, et j'en profite pour me renseigner auprès du pompiste pour savoir quand passent les bus vers Akureyri qui, selon l'hôtesse, s'arrêtent ici. Et là, évidemment, il y en a un, ce jour là, qui passe dans la bonne direction, et il passe dans vingt minutes...
Bienvenue, pauvre mortel. |
Dilemme... je rentre et fuis ce temps pourri avec le prochain (et seul) bus de la journée dans ce trou paumé ou bien je fais la visite mais je prends je le risque de me retrouver coincé ici ? Me disant que je ne m'étais quand même pas fait chier à faire tout le trajet jusqu'ici simplement pour le plaisir de me prendre de la pluie et de la neige, je décide évidemment de rester et de visiter cette gorge, même si je dois être trempé et grelottant. Au moins j'avais le site pour moi tout seul.
Et je ne l'ai pas regretté ! La météo a fini par se calmer et j'ai pu m'engager dans cet étrange endroit... Cerné par deux remparts de pierre, on a l'impression de visiter une version démesurée et complètement naturelle des douves de Neuf-Brisach.
Mais vraiment, vraiment plus grandes :
Comme on le voit, il n'y a pas vraiment foule... |
Vue depuis le fond de la gorge d'Ásbyrgi, alors que la muraille de pierre se perd dans la brume... |
Allez, courage, et bonne chance surtout ! |
Après quelques kilomètres et une averse de grêle, j'ai eu la chance de me faire récupérer par... la même femme qui m'avait finalement amené jusque là, et qui retournait chez elle à... Akureyri. Aaah, le pied ! Quand on a dépassé Húsavík j'ai eu un petit sourire satisfait et à mesure qu'on s'éloignait du Nord-Est, le temps redevenait plus accueillant, jusqu'à ce qu'au détour d'un virage se révèle à moi Eyjafjörður, le Fjord au fond duquel se trouve la deuxième plus grande ville du pays : Akureyri !
Eyjafjörður. Et oui, c'est le même jour que la photo précédente. |
Mais je n'étais pas arrivé à mon terminus. Puisque j'avais eu de la chance, j'étais arrivé assez tôt, et je pouvais tenter le tout pour le tout : Rejoindre Ólafsfjörður, un Fjord situé plus loin et où j'avais des contacts chez qui je pouvais loger, évitant ainsi les frais d'un hôtel ou d'un gîte. C'était quand même 60 kilomètres de plus, mais bon, un peu plus ou un peu moins, à ce stade-là, ça changeait plus grand chose, me disais-je.
Ah bah j'avais tort !
Les soixante kilomètres entre Akureyri et Ólafsfjörður ont été les plus chiants de toute la journée. Journée qui je le rappelle a quand même commencé à Mývatn. Crevé par une journée déjà bien remplie, je me retrouve à galérer sous le soleil qui me crame la nuque, sur le bord du Fjord, dans ma dernière ligne droite, après 250 bornes d’auto-stop et de marche à pied...... à faire du "je t'amène un peu plus loin... jusqu'au prochain village". Il m'aura fallu trois voitures et une heure de marche pour faire les derniers 60 kilomètres... Et cette fois, c'est pas la faute au manque de trafic, c'est juste que tout le monde avait l'air de ne pas me voir.
Sur une route comme ça :
"Ah bah oui, on le voit pas bien, on dirait un arbre." |
Au moins j'avais de quoi flatter mon regard en chemin ! |
Oh.
Mon ventre qui commence en avoir ras le bol du poisson séché pour "caler les petits creux" reçoit le message cinq sur cinq et me fait comprendre qu'il est vraiment temps de passer la vitesse supérieure... Problème : Je sais que pour accéder à leur Fjord, il me faudra passer par un tunnel, et je commence à craindre que personne ne me prendra pour le passer, ce foutu tunnel... A ce moment-là de la soirée, fatigué et affamé, j'ai craqué.
J'ai gueulé dans le vide.
Toutes ces bagnoles qui me dépassent après le dernier village avant le tunnel tout en sachant qu'il me faudra passer ce put*** de tunnel et que je ne peux pas le faire à pieds, et sachant que toutes ces voitures ne peuvent QUE le passer... et me laissent là en connaissance de cause alors que bon, hein, ne serait-ce que m'amener de l'autre côté quoi... J'avais un peu les nerfs, faut avouer.
Je suis d'ailleurs quasiment à l’entrée quand quelqu'un finit par me prendre en pitié et m’amène à destination. Le soleil est bas à l'horizon, et j'ai finalement atteint mon objectif le plus optimiste, malgré tout. Je suis à Ólafsfjörður, après un périple de plus de 300 kilomètres en une journée.
Je me sens Badass. Et j'ai très, très faim aussi.
Ólafsfjörður, Baby ! |
Ha pardon mais si tu penses que 50 Euros pour voir des baleines c'est de l'arnaque, alors ne viens pas en Nouvelle-Zélande, parce que le prix moyen d'une excursion "baleine/dauphin/orque" ici, c'est 300 dollars.
RépondreSupprimerTROIS.CENT.DOLLARS.
(Et, pareil qu'en Islande, c'est pas garanti d'en voir, et c'est pas remboursé non plus!)
Du coup, nous, on attend de se faire un pote Kiwi qui a un bateau :)
Ouais mais eux ils n'ont que des baleines, ça réduit le prix :-p
RépondreSupprimerEt quand t'es sur la route avec budget ultra-minimum, les 50 "pauvres" euros, c'est deux nuits dans un guesthouse. Le choix est vite fait, surtout quand t'es pas sûr de savoir jusqu'où tu vas réussir à aller à la fin de la journée ^^
Traîne dans la Marina, l'air de rien, papote, décontractée, tu finiras bien par te faire des potes qui te proposeront - spontanément ! - un tour du côté des baleines (au pire tu utilises ton astuce magique qui marche sur les policiers français quand ton vélo n'a pas de lumière :-p )
Haaaan comment tu ressors les vieux dossiers!
RépondreSupprimer(C'est salaud ça ^^)
J'essaye simplement d'être de bon conseil. C'est tout.
RépondreSupprimerPourquoi voir le mal partout, hein, vraiment ? ^^