Fin juillet 2010, arrivant vers la fin de mon SVE, j'ai fait une liste des endroits que j'aurais encore aimé voir en Grèce avant de quitter le pays après 6 mois de volontariat. L'éclatement géographique de ma sélection, le temps que j'avais et les finances, aussi, m'ont obligé à faire des choix. J'ai rapidement laissé tomber la Crète, parce que trop chère et trop vaste, elle méritait un séjour complet. J'ai également laissé tomber Olympie (la ville d'origine des Jeux Olympiques, qui n'ont rien à voir avec le Mont Olympe, qui m'aurait intéressé également d'ailleurs) parce que malgré l'aspect symbolique, on m'avait prévenu qu'il n'y avait pas grand chose à voir, là-bas, et comme on m'avait déjà prévenu avec Sparte et que j'avais pas trop écouté, hein, je m'étais promis qu'on ne m'y reprendrait plus.
Au final, j'ai pris la décision d'aller voir les monastères des Météores, qu’Élise, une volontaire, m'avait recommandés. En plus, pour m'y rendre, j'avais la possibilité de faire d'une pierre deux coups et de visiter l'île de Céphalonie, dans l'Ouest du pays, célèbre pour ses grottes. En revanche, personne d'autre n'était intéressé et il semblait évident que si je souhaitais faire ce petit tour en Grèce, j'allais devoir le faire tout seul. C'était la première fois que j'allais faire ce genre de périple en solitaire, et forcément je me suis demandé si :
- c'était une bonne idée.
- je serai capable de me débrouiller en cas de pépin majeur.
- je réussirai à me motiver jusqu'au bout et pas abandonner dès Patras.
Mais j'avais eu de la chance durant nos voyages en groupe et j'étais motivé, donc tout ça me semblait un bon plan quand même. J'avoue ne pas y avoir trop réfléchi, mes précédents "succès" m'encourageaient plutôt à y aller à la va-comme-je-te-pousse... et puis il y avait l'excitation de faire mon premier road-trip en solo, aussi. J'ai donc demandé le meilleur moyen pour m'y rendre à l'office d'ORFEAS, mon organisation d'accueil, et ma tutrice m'a même réservé un taxi pour rejoindre le bon arrêt de bus. Car oui, il faut bien comprendre le plan de route :
- c'était une bonne idée.
- je serai capable de me débrouiller en cas de pépin majeur.
- je réussirai à me motiver jusqu'au bout et pas abandonner dès Patras.
Mais j'avais eu de la chance durant nos voyages en groupe et j'étais motivé, donc tout ça me semblait un bon plan quand même. J'avoue ne pas y avoir trop réfléchi, mes précédents "succès" m'encourageaient plutôt à y aller à la va-comme-je-te-pousse... et puis il y avait l'excitation de faire mon premier road-trip en solo, aussi. J'ai donc demandé le meilleur moyen pour m'y rendre à l'office d'ORFEAS, mon organisation d'accueil, et ma tutrice m'a même réservé un taxi pour rejoindre le bon arrêt de bus. Car oui, il faut bien comprendre le plan de route :
Partir de Xylokastro le 27 juillet, en bus, direction Patras. Y prendre le Ferry direction Céphalonie. Revenir à Patras et prendre le Ferry direction Igoumenista, y prendre le bus vers Ioannina, y changer de bus direction Kalambaka.
Là on visite les Météores.
Puis prendre le train jusqu'à Athènes, y changer de train direction Kiato, y prendre le bus direction Xylokastro. Part de gâteau comme diraient les anglophones.
Là on visite les Météores.
Puis prendre le train jusqu'à Athènes, y changer de train direction Kiato, y prendre le bus direction Xylokastro. Part de gâteau comme diraient les anglophones.
Sauf que, pour bien commencer en douceur, le bus qui dessert Patras ne passe pas vraiment par Xylokastro, mais par un arrêt de bus perdu dans les hauteurs, le long de la grande route, avec évidemment pour toute personne n'ayant pas grandi dans le coin un bon gros potentiel foirage de grand matin, car il faut savoir où il est planqué cet arrêt. En plus, je suis parti à l'aube, donc on voyait pas grand chose de toute façon. D'où la nécessité de prendre un taxi.
Le pont Rion-Antirion. (photo de mon deuxième passage) |
Tout ça, donc, pour arriver à ma première véritable étape de ce petit périple en solitaire : Céphalonie.
Dans ce petit estuaire, on pouvait parfois voir nager des petits tortues marines, c'était très chouette ! |
Pas vraiment ?... je vois...
Sami, le port où le ferry m'a débarqué. |
Mais j'ai aussi eu droit à l'autre extrême. Pas dans l'hôtellerie ou les magasins de souvenir, non, chez les gens qui s'occupaient des entrées des grottes... En effet, à la suite d'une mauvaise manip' de ma part, j'ai effacé l'intégralité de mes photos prises depuis le début du séjour... oui, comme un abruti, peu après la fin de mes visites, j'ai formaté la carte mémoire. Et bien j'ai eu une chance incroyable, puisque les gens des deux grottes m'ont laissé y retourner sans repayer quand je leur ai expliqué la situation... m'ont-ils reconnu et d'humeur généreuse, étaient-ils juste ultra-généreux, toujours est-il que sans leur bonté d'âme, je n'aurais pas de photo de Céphalonie à vous montrer... C'est un truc chez les Grecs qui m'a frappé : Si vous semblez dans l'embarras, si vous avez un problème, où s'ils peuvent vous dépanner, ils sont généralement prêts à aider. Un couple mange au resto, on offre le dessert pour rendre le moment plus sympa (jamais on m'a offert un dessert quand j'y allais avec un ami ou seul, et avec Ada, pouf, "gift !"), le touriste a perdu toutes ses photos, allez, laisse-le ramener des images, on n'est pas comme ça...
C'est difficile de juger le pays et ses habitants, surtout que les six mois où j'y ai vécu étaient en 2010, quand la crise a réellement entamé sa spirale infernale, les premiers "paquets" de milliards d'euros, les émeutes à Athènes... Les gens ont forcément réagi "anormalement", avec plus d'anxiété, et je comprend que les restaurateurs, etc., aient été plus au taquet pour rentrer de l'argent tant qu'il y en avait à prendre. D'autant qu'au moment où je m'engageais dans ce road-trip, les livreurs de fioul, mazout et autres carburants entraient en grève. Oui, alors même que la saison touristique commençait, la seule bouffée d'oxygène économique que le pays pouvait espérer, une grève qui allait assécher les pompes à essence. Imaginez les touristes qui avaient loué une voiture, se sont retrouvés à sec dans la pampa, et ont commencé à compter les jours de supplément à payer, sans savoir quand ils pourraient repartir... imaginez les ferry qui ne pouvaient plus naviguer parce qu'à sec, empêchant des touristes bloqués dans les îles de repartir... Niveau tourisme, donc, c'était une catastrophe, et évidemment, pour les Grecs eux-même, enfin, ceux qui avaient encore un emploi. Les magasins d'alimentation étaient de moins en moins bien approvisionnés, etc., etc.
Bref, cet été là, la Grèce se tirait une balle dans le pied.
Et moi, j'étais en plein road-trip... Et bien j'ai eu une chance de malade, puisque aucun de mes ferry ou bus n'a été retardé ou annulé. Je suis passé au travers de la grève like a boss. En revanche, elle n'est pas passé inaperçue et a dissuadé énormément de gens de venir, le bouche à oreille négatif fonctionnant très, très vite. Entre ça et leur constant bashage anti-Allemagne (les Allemands étant habituellement leurs clients numéro 1 et de loin) qui leur a valu une soudaine et "inexpliquée" désertion d'une partie de leur clientèle, c'était vraiment une grosse année de merde. La première d'une longue série.
Mais revenons à Céphalonie et concentrons-nous un peu sur le positif.
Je ne pouvais pas louer un quad - officiellement - et ça ne me dérangeait pas car j'avais l'intention de faire un peu de marche pour profiter du paysage. Problème pour moi : un soleil de plomb et une chaleur de four. Heureusement j'avais pensé à emmener assez d'eau mais j'ai dû revoir mes ambitions de randonnée à la baisse, surtout que les distances sur la carte étaient très trompeuses : L'île n'est que montées, descentes, et routes serpentines. Avec de temps à autre des chiens non attachés et assez agressifs qui vous suivent sur la route, aussi. Heureusement pour moi, les deux grottes que je voulais voir se trouvent assez près du port de Sami, c'était donc faisable. Pour le reste de l'île, je n'ai de loin pas tout vu, sachant que cette étape n'était qu'un petit bonus et que mon véritable objectif se trouvait bien plus au Nord. La première grotte que j'ai vu fut Melissani, un lac souterrain... à ciel ouvert. Oui, je sais, ça sonne idiot, mais en fait la grotte est seulement partiellement ouverte. Aussi surnommée la grotte des Nymphes, elle contient un lac d'eau glaciale d'un bleu turquoise pure et transparent... de 39 mètres de profondeur. L'entrée est payante mais on nous fait faire un sympathique tour en barque qui nous permet d'admirer la voûte de la grotte et la profondeur du lac dont la clarté de l'eau est proprement hallucinante.
Bon, je dois m'excuser, mais je commençais seulement à utiliser mon Canon, et je n'étais pas encore habitué aux problèmes de luminosité, donc on pardonnera le fait que la plupart de mes photos de grottes soient un peu floues. Hein. Merci.
Une fois que la barque est entrée dans la grotte fermée, on peut admirer la superbe voûte naturelle... |
Là encore, on voit bien les strates et les stalactites. |
On se redirige vers la partie à ciel ouvert, on distingue bien l'îlot central autour duquel la barque a navigué. |
L'ouverture sur le ciel est impressionnante, d'autant que la végétation vient pousser jusque sur les lèvres de cette plaie béante dans la roche. |
J'adore comme on peut voir la clarté de l'eau dès qu'un rayon de soleil pénètre dans la cavité... |
Elle donne envie de s'y baigner, hein ? Seulement voilà, elle est glacée. Désolé... |
Détail de la paroi dans la grotte à ciel ouvert. |
A quelques kilomètres de marche seulement se trouvait une autre grotte, d'une toute autre allure. Si Melissani avait ce petit côté Pirates des Caraïbes, ma prochaine visite était plutôt du genre antre du dragon dans un bon film d'heroic fantasy. D'ailleurs ça tombe bien, elle s'appelle Drogarati, la Grotte du Dragon.
On y accède par un escalier qui descend d'abord profondément dans la roche de l'île, par une crevasse naturelle qui nous conduit à un tunnel. Enfin, sous nos yeux ébahis, la grotte s'offre enfin, comme une immense salle souterraine. J'ignore si le sol était déjà aussi aplani à l'origine, mais l'endroit ressemble réellement à la salle au trésor typique qu'on s'imagine gardé par un immense monstre cracheur de feu.
L'entrée, avec son promontoire qui donne sur la "grande salle". |
Plus près du promontoire. Les tapis sont antidérapants. |
Le calcaire forme des stalactites impressionnants, et des stalagmites aussi. |
Le plafond est juste fabuleux... |
Quand on pense au temps qu'il a fallu à la nature pour façonner la caverne, ça donne le tournis. |
Une vue plus large donne l'échelle, avec l'escalier tout en bas... |
Tu le vois, le chevalier qui doit courageusement descendre poutrer le dragon dans son repaire avant de repartir avec le trésor ? |
Une fois encore, on se rend mieux compte de l'échelle quand on voit l'escalier. |
Le chemin qui remonte vers la sortie... on voit mieux les stalagmites et leurs couches successives de calcification. On remarquera comment le site s'en sert aussi de barrière. |
Et c'est donc dans cette grotte qu'eut lieu ce désormais fameux échange que j'évoquais déjà dans mon article sur le choc culturel. Alors que je quittais justement le promontoire en direction de l'escalier de sortie, un groupe de touriste commence à prendre des photos avec leur flash, et un des gardiens du site leur demande de ne pas faire ça, parce que la lumière des flash abîme la grotte (en favorisant la prolifération des moisissures, mousses et autres plantes). Je dis alors au gardien qu'on ne m'avait pas prévenu, mais que je n'avais pas utilisé mon flash, estimant que les lumières des spots étaient suffisantes - ce qui n'est pas tout à fait vrai, la majorité de mes photos sont floues, mais c'était suffisant. Et le gardien de m'expliquer que ces spots ne sont pas mieux, et me montre que de la mousse et des petites mauvaises herbes commencent à pousser aux pieds des spots. Il m'explique que ce ne sont pas des lumières adaptées pour ce genre d'endroit, parce qu'elles émettent quand même des UV qui permettent cette prolifération. Moi, évidemment, je demande si des lampes spéciales existent, qui empêcheraient ce genre de problèmes et il me dit que oui, ça existe.
Donc résumons : Ces grottes sont le fleurons de l'île, la raison pour laquelle la grande majorité des touristes prennent la peine de venir y faire un tour, des bijoux naturels fragiles qui constituent le gagne-pain des habitants de Céphalonie. Des lampes qui protégeraient le site et ne le condamneraient pas à une inévitable dégradation existent, mais ils ont installé des spots inadaptés qui, jour après jour, détruisent ce gagne-pain. Je suis plus que déconcerté devant un pareil choix, et quand je lui explique les raisons de ma surprise et que je lui demande pourquoi ils n'installent pas de spots adaptés, l'échange suivant, à jamais gravé dans ma mémoire, a alors lieu :
"Where do you come from ?" "France." "Yes. Here it's Greece."
"D'où tu viens ?" "De France." "Oui. Ici, c'est la Grèce."
Here. It's. Greece.
Cette réponse me travaille encore parce qu'à elle seule elle résume parfaitement toute l’ambiguïté de la Grèce.
Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Que la Grèce était trop pauvre, que l'île n'avait pas les moyens ? Ou bien que parce que ça coûtait moins cher on a simplement installé des spots merdiques ? Qu'on s'en fout, tant que ça fait de la lumière ?
Derrière "Ici c’est la Grèce" se cachent en fait tous les travers et les problèmes qui m'ont choqué après plusieurs mois passés sur place. La corruption des décideurs même aux niveaux les plus ridicules - comme la mairie de Xylokastro - avec des choix pour "économiser de l'argent" qui pourtant semble bien aller quelque part... suivez mon regard. Le problème d'avoir des tonnes de sites à entretenir et à protéger et de ne pas avoir les ressources pour s'en occuper correctement. Et la mentalité d'improviser au court terme sans penser plus loin que le bout du nez. Car certes, il y a de la lumière et les touristes peuvent venir, là, tout de suite, mais est-ce que l'argent qu'ils gagnent dans l'immédiat vaut la destruction programmée du site ? Même à moyen terme, inutile d'être un génie pour comprendre qu'ils sont en train de tuer la poule aux œufs d'or. Et c'est probablement un mélange de tous ces problèmes culturels que l'on peut comprendre derrière ce laconique : Ici, c'est la Grèce.
Comme je ressortais de la grotte pour rejoindre le port après cette conversation surréaliste, c'est avec une note un peu amère que je reprenais le bateau direction Patras pour continuer mon voyage vers les Météores. Deux choses m'auront profondément marqué pendant ces deux jours passés sur Céphalonie : La gentillesse et la compréhension des gens qui s'occupaient des deux grottes, et ce gardien blasé dont le laconisme résonne encore dans ma tête des années plus tard.
On remarquera les éoliennes, pour ne pas noircir le tableau non plus. Faut dire que dans le coin, le vent, c'est pas ce qui manque. Enfin je me comprends. |
En passant, on fait un dernier coucou à l'île voisine de Céphalonie, la célèbre Ithaque, patrie d'Ulysse... |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire