dimanche 1 mars 2015

Juillet dans l'archipel : L'église de Seili

Parmi les articles en retard sur ma liste - et il y en a un paquet - il y a depuis l'été 2012 celui sur une église en bois des plus jolies que j'avais visité au cours de mon petit séjour dans l'Archipel de Finlande en compagnie d'Eeva et Ada. Alors que nous passions d'île en île et de ferry en ferry, nous nous sommes attardés sur l'île de Seili, qui comme la plupart des îles du sud-ouest est à majorité suédophone et est plus connu sous son nom suédois Själö ( qui signifie "phoques"). Déjà parce que l'île en soit est très jolie et offre de superbes chemins de balade, mais également parce qu'elle a une certaine histoire.

Elle a longtemps accueilli un hôpital célèbre construit en 1620, qui a soigné les lépreux quand l'hôpital de Turku y a été déménagé (les bâtiments de l'hôpital de Turku, à l’époque capitale de Finlande, furent brûlés après ce transfert, j'imagine que ça faisait peur aux braves gens) puis les handicapées mentales et les "folles". Bon, par soigné il faut surtout entendre "tenu éloignées de tous les regards", et l'isolement insulaire a beaucoup aidé à offrir "aux patients" la tranquillité requise. Ces jours glauques sont désormais loin derrière, ne laissant que des locaux historiques, et notamment une superbe église en bois :

L'entrée de l'église de Seili... bucolique avec les oiseaux pépiant et l'herbe couverte de fleurs. On avait une brise agréable, c'était une très belle journée.
Outre le style nordique indéniable, jusqu'au code couleur rouge et blanc qu'on retrouve sur toutes les vieilles maisons de l'île, c'est surtout l'architecture intérieure qui mérite d'avoir la curiosité de pénétrer l'édifice. Car celui-ci n'a pas été construit par des bâtisseurs d'églises ordinaires, mais des marins et divers gens de mer soignés sur l'île. Ils ont donc utilisé leur expérience en matière de construction de navires, et des structures et techniques propres à l’ingénierie navale. Il suffit d'observer la charpente et le plafond pour comprendre ce que cela implique.

L'une des alcôves qui donne une bonne idée de l'architecture interne de cette église peu commune.
Le plafond courbe comme la coque d'un navire ne manque pas de surprendre, ainsi que la rudesse très pragmatique de certaines techniques de la charpente. Pourtant de cette rudesse se dégage un charme indéfinissable, différent de l'habituel raffinement religieux qui généralement flatte l’œil du touriste. 

Le chœur, et une offrande de marin.
Que cette église ait été très fréquentée par des marins se retrouve également dans la tradition des modèles de navire, très répandue en Finlande (mais pas que). Des hommes de mer offraient - voire fabriquaient eux-même - des modèles de navires en remerciement à dieu pour les avoir épargnés au cours d’événements tragiques en mer, ou même avant de partir pour de long voyage, afin d'éviter ce genre d'incident, justement. Cette offrande très spécifique au domaine marin se retrouvait donc suspendue dans l'église durant un temps (jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par une autre, en général). Beaucoup d'églises sont encore ornées de ces offrandes.

L'ensemble de la décoration reste cela dit assez sobre, et la plus intrigante curiosité reste pour moi ces porte-cierges en forme de mains, dont certaines portent les stigmates du Christ... Je ne sais pas, quelque part je trouve ça assez malsain et pas très jouasse. Sauf, évidemment, quand je commence à penser à l'idée que Jésus me tient la chandelle.

J'ai beaucoup apprécié l'odeur de vieux bois sec et de goudron qui flotte dans l'air dans cette église (Oui, minä rakastan tervaa). On sent que l'endroit a vécu. A côté se trouve un petit cimetière ceint d'une clôture en bois, une palissade à la peinture écaillée qui entoure un pré, plus qu'autre chose. L'herbe y est bien touffue et les croix penchent, quand elles tiennent encore debout. Des croix orthodoxes en bois, des croix catholiques ou luthériennes en métal dont ne subsiste parfois qu'un pied rouillé jaillissant de terre comme une vieille souche d'un arbre tombé. L'endroit est situé juste à côté de la forêt où s'enfonce le chemin de randonnée de l'île, invitant le promeneur reposé à reprendre sa route...

La chaire, l'élément le plus décoré de l'église... pratiquement le seul élément un peu moins basique que du bois sculpté, en fait.
La porte d'entrée avec son fronton à fioritures nordiques. On peut apprécier le charme des lames en bois peintes de rouge de cette façade ancienne... Personnellement j'adore ce style, qu'on retrouve un peu partout dans le sud de la Finlande : Cadre blanc et façades rouge, ou parfois jaune pâle. Le rouge, plus traditionnel, est particulièrement répandu, utilisé dès les années 1500, dû principalement au fait que c'était une peinture facile à produire (de nouvelles peintures à l'huiles sont apparues seulement vers 1700). Aujourd'hui encore beaucoup de gens repeignent leurs granges ou leur maison avec cette peinture rouge faite maison. Ce style fait partie intégrante de l'imagerie populaire finnoise, comme me le disait mon coloc Samuel en ces termes "Le Rêve Finlandais c'est de posséder une maison rouge et un champ de patates."
L'entrée d'un autre angle, qui permet de bien voir les fondations en pierre légèrement surélevées sur lesquelles est bâtie la charpente atypique de cette église.
Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi cette image là plutôt qu'une autre de ce cimetière... quelque part elle exprime assez bien cette tranquille beauté, avec des arbres immenses tout autour et cette herbe fleurie...
Vue du chemin, l'église disparaît déjà derrière les troncs alors que nous continuons notre randonnée...

1 commentaire: