jeudi 19 mars 2015

Le road-trip français : la cathédrale de Strasbourg

L'église Saint-Paul, le tram, l'Ill et ses péniches... les quais strasbourgeois.
L'été dernier (2014, pour ceux qui liront cet article par hasard dans trois ans) j'ai profité d'être en France pour une durée un peu plus longue que d'habitude pour rendre visite à mes amis qui ont le bon goût d'être dispersés d'Est en Ouest pour me rendre la tâche plus ardue. Je me suis préparé un petit plan de route idéal pour voir un maximum de monde en un minimum de détour, et comme mon expérience de covoiturage en Islande s'était très bien passée, je suivais les conseils d'un de mes potes et m'inscrivais sur un site français de covoiturage. Et là, alors que les tarifs SNCF m'avaient un peu refroidis (à moins de réserver 9 mois à l'avance sans possibilité de changement, le tout en classe éco-trucmuche avec la Carte 12-17½ mais seulement en période gris foncé hors jours fériés, j'ai redécouvert qu'on pouvait voyager pas (trop) cher à condition d'être malin et organisé. Même en France. 

Après j'aurais pu opter pour le "tout auto-stop" mais après l'Islande je me suis dis que j'allais me préparer un peu mieux que ça, quand même. Et Une expérience bretonne me confirmera que j'ai bien fait, mais nous y reviendrons. 

L'étape de départ la plus logique fut évidemment de rendre visite à mes amis strasbourgeois. Oui alors je sais ce qu'on va me dire "Super, le road-trip, tu nous parles de la ville où t'as vécu pendant quoi, cinq ans ? WOW! Exotique !". Oui sauf que Strasbourg à part quelques photos en vrac j'en ai pas encore parlé, et j'en ai peu montré, donc voilà, je commence à réparer ce faux-pas. Le truc c'est que je passe "souvent" sur Strasbourg quand je rends visite à ma famille en Alsace, mais j'en parle jamais. C'est finalement assez dur de regarder le monde qu'on connaît bien, sa petite bulle, son quotidien dans sa banalité ordinaire, avec l’œil neuf et frais du visiteur. Certes j'ai toujours trouvé les quais jolis, la cathédrale superbe, ce genre de chose, mais il ne m'est pas évident de les regarder sans le vernis que mon quotidien dans la ville a passé sur ce décor pourtant magnifique. Mais je m'y efforce, et tant mieux, d'ailleurs. J'aime ce sentiment de redécouvrir des allées que j'ai pourtant déjà arpenté des centaines de fois, battre le pavé de la vieille ville en m'émerveillant d'une façade, d'une sculpture... bref, revoir la beauté ordinaire de la ville. Parce qu'on a beau le savoir, on finit par ne plus vraiment le voir. On passe devant sans lever les yeux, sans même y penser. Et ça c'est dommage. J'essaye donc de m'atteler à regarder mon quotidien de cet œil neuf, à réapprendre à trouver ce qui m'émerveille dans la découverte de lieux inconnus. C'est pas évident du tout, et ça a nécessité un véritable effort, surtout avec des endroits vus et revus au point d'en être devenus presque invisibles.

Prenons un exemple concret, tout simple, comme ça, au hasard : 

La cathédrale Notre Dame de Strasbourg. 

Un frontispice massif qui pète la classe et t'écrase par sa profusion de détails. Et ses 142 mètres.

Vue de face, avec un peu de colombages autour pour faire "Bienvenue en Alsace".
J'avais moi-même tendance à oublier à quel point cette cathédrale est magnifique, à force de passer devant pour prendre les raccourcis vers le centre-ville ou me presser pour aller en cours... Pourtant elle est non seulement superbe, mais aussi énorme. Dire qu'elle était devenue "invisible" n'est qu'une façon de parler car il est en réalité très difficile de ne pas la voir. Par beau temps, on peut l'apercevoir depuis la Forêt Noire et depuis les montagnes vosgiennes à l'autre bout de la plaine d'Alsace. Avec ses 142 mètres c'est la seconde plus haute cathédrale de France, mais sa particularité la plus ostensible reste sa flèche unique, qui fera écrire à Arthur Conan Doyle (via son personnage de Sherlock Holmes) que c'est la plus moche cathédrale qui soit. Il va sans dire que je proteste, elle est juste... différente. Hum. Même Victor Hugo est de mon avis apparemment puisqu'il aurait dit d'elle qu'elle était un "prodige du gigantesque et du délicat". 

En plus du côté goûts et couleurs, c'est très injuste car il faut savoir que cette flèche gothique est un véritable défi architectural. Elle fut un exploit technique au Moyen-Âge où elle en fit longtemps la plus haute cathédrale européenne, et c'est toujours la plus haute flèche encore debout à ce jour, plus de 570 ans après l'achèvement de sa construction ! Je vous invite à lire ce passage de la page Wikipedia concernant la flèche, où l'on peut voir comment les constructions équivalentes ont fini à travers l'Europe : A Beauvais on tente 153 mètres : elle s'écroule sous son propre poids. En Angleterre, deux challengers se font démonter par la foudre et le vent, pareil en Allemagne et en Estonie : PAF la foudre. Nous sommes en 2015 et la flèche de Strasbourg tient toujours, BITCHES. Elle se porte d'ailleurs très bien puisque c'est la seconde cathédrale la plus visitée de France (après Notre Dame de Paris, évidemment, hein). A cause de Disney beaucoup croient qu'à Paris les deux tours de Notre Dame crèvent les nuages, alors que sa hauteur maximale est de 69 mètres. Si vous avez déjà vue Notre Dame de Paris dites vous que la différence avec Stras est de 73 mètres, plus du double ! Si j'insiste c'est que quand on se trouve en face de la cathédrale de Strasbourg, on ne s'en rend pas forcément compte, ni même quand on la voit dépasser au-dessus des toits de la ville. Il faut vraiment la voir à quelques kilomètres de distance pour seulement commencer à se rendre compte de l'immensité du truc. Quand on se tient devant on se dit juste "Wow, c'est grand."

Non, les mecs. C'est très, très grand. 

Le portail principal et son tympan minutieusement sculpté sur le thème de la vie de Jésus.
Surtout quand on pense qu'elle fut construite sous le Saint Empire Romain Germanique, on avait pas encore Liebherr pour faire le gros œuvre. Et oui, c'est une façon de rappeler que c'est un souvenir bien visible de l'Alsace allemande. Tralala.

Pour donner une idée de l'aspect monumental de cette œuvre d'art, la flèche fut terminée en 1439, faisant de la cathédrale la construction la seconde plus haute du monde (tenant debout, donc hihi) jusqu'en 1874 où elle fut battue par l'église Saint Nicolas de Hambourg. Ce qui veut dire que pendant plus de trois siècles le seul monument plus haut que Notre Dame de Strasbourg sans se péter la gueule était la pyramide de Khéops. Voilà. Quand vous regardez ce monument de l'architecture germanique, pensez-y, ça fais tout drôle tout d'un coup.

Et puis c'est pas comme si on parlait d'une colonne de pierre lisse, non. La cathédrale dégueule de détails, de sculptures, sur sa façade, sa flèches, PARTOUT. On peut passer des heures à en faire le tour et continuer à découvrir des choses, essayer de comprendre les centaines de références médiévales qui s'amoncellent sur ces pierres. Le style de l'ensemble est principalement gothique, pour une durée de construction de presque trois siècles (1176-1439). Mais l'extérieur n'est pas tout ce qui fait l'intérêt de ce monument, non, sa richesse est également intérieure. Si vous entrez par l'une des lourdes portes latérales ou si vous remontez le dallage polis de la nef puis prenez à droite face au chœur, vous aurez la possibilité d'admirer une magnifique horloge astronomique du XVIème siècle (qui en remplace une précédente datant du XIVème, soit avant que la flèche ne soit terminée...).

Oui, je sais, c'est flou, mais hein, pas de flash !
L'horloge est une merveille de mécanique dont on peut encore observer les automates dans leur routine perpétuelle dictée par le temps. Si d'aventure vous visitez Strasbourg, vous pourrez les voir s'affairer à marquer les quarts d'heures, les heures, et midi. Vous verrez c'est très joyeux, puisque chaque quart d'heure un personnage défile devant la Mort : Un enfant, un adolescent, un adulte, et enfin un vieil homme. Memento Mori, les gars, et bonne journée ! A midi les douze apôtres défilent devant le Christ, mais je ne tirerais aucun parallèle entre ces deux processions. Cela dit il est fascinant de voir que cette merveille mécanique est également un calendrier qui vous donne aussi la météo et l'horoscope, avec position des planètes et du zodiaque. C'est comme une application de smartphone pour votre cathédrale : Un gadget, certes, mais c'est cool.

Autre intérêt intérieur de la cathédrale : le Grand Orgue. 

Il faut savoir qu'il y a quatre orgues dans la cathédrales, mais si vous vous y rendez, il y a de fortes chances pour que vous repériez assez rapidement le Grand Orgue. Déjà parce qu'il est richement orné et coloré, mais aussi parce qu'il n'est pas caché au fond dans l'ombre, comme trop souvent, mais bien en évidence sur un mur latéral, en nid d'hirondelle. Il est donc très voyant, en plein milieu de la nef, un peu trop peut-être... Son histoire est compliquée, il est passé par une restauration un peu foireuse qui a ruiné la carrière de l'artisan responsable, avant d'être donc "corrigé" dans un style plus "français". Bon. Qu'est-ce qu'on entend par un style plus français exactement ? Qu'on ne se méprenne pas, j'aime bien le petit côté fête foraine du combo bleu-rouge-or et des fioritures hein...

On remarquera en bas de la déco Samson chevauchant le lion qu'il a vaincu (à mains nues, cela va de soi) sur le chemin de son mariage avec une philistine  - au grand dam de ses parents qui auraient préféré une fille bien de chez eux, mais que voulez-vous - et dans le cadavre duquel (cadavre du lion, donc, pas de Samson) des abeilles ont fait du miel. Inspiré par ce détail rigolo (ahem) il en fait une charade pour les invités de son mariage, mais comme sa femme leur file la réponse, Samson tue trente personnes dans sa colère et retourne vivre chez ses parents. Voilà.  J'espère ne pas avoir gâché la classe de ce personnage chevauchant un lion, évidemment.
Après, évidemment il y a des tonnes de détails architecturaux et décoratifs à observer, et je ne vais pas pouvoir être exhaustif... Mais je vais essayer d'en montrer un peu malgré le flou pas très artistique dû au manque d'expérience de flash... Les photos d'intérieur de la cathédrale datent de 2011, alors qu'Ada me rendait visite pour la première fois, et justement faire ces visites avec elle m'a mis dans cet état d'esprit de touriste, me permettant de voir Strasbourg d'un œil neuf, ou du moins plus curieux.

Vitraux splendides et voûtes en conséquences.
Un des nombreux vitraux... le travail est remarquable et quand le soleil darde sa lumière directement à travers ces fresques de verre c'est un régal pour les yeux de voir ces couleurs danser sur les colonnes et le dallage.
La rosace de la cathédrale, avec au premier plan, dans l'ombre, le Grand Orgue. On voit un peu mieux (autant que la lumière le permet) qu'il s'agit de Samson sur un lion !
Je mentionnais que dans une nouvelle, Sherlock Holmes trouvait cette cathédrale des plus laides à cause de son asymétrie. C'est assez ironique puisque que la scène d'introduction de "Sherlock Holmes 2 : Jeu d'Ombres" fut tournée sur le parvis de cette même cathédrale !


Oui il y a eu un petit changement météorologique entre la photo précédente et celle-ci, prises le même jour à quelques dizaines de minutes d'intervalle pourtant... c'est aussi ça, l'été alsacien, hum... A quelques mètres sur la gauche se trouve l'entrée menant directement à l'horloge astronomique.
Détail des arches extérieures, avec ses sculptures de saints et ses gargouilles.
Pour l'anecdote folklorique qui va bien, je me dois de mentionner la légende selon laquelle la cathédrale est construite sur un lac souterrain - hanté, cela va de soi. Il y aurait bien eu une entrée depuis la cave d'une des maisons du parvis, mais après qu'une expédition d'hommes bien virils armés de torches soit remontée des passages obscures et humides en hurlant comme des fillettes, ce passage aurait été bouché, muré, et oublié. On entendrait cependant encore les rames d'une barque sans passeur dans le sous-sol quand le vent violent qui s'engouffre autour du monument daigne bien se calmer... Bon dans les faits, le site de construction des diverses églises successives à cet endroit a été choisi parce que c’est là que les premiers chrétiens allaient prier, accessoirement c'était un ancien site romain dédié au dieu Mars. Mais qui sait quelles choses innommables peuvent bien se cacher dans les eaux impies de ce lac souterrain secret...

Maîtres du Jeu de l'Appel de Cthulhu en mal d'idées, inutile de me remercier, je vous en prie, c'est cadeau.

Et donc tout ça pour introduire ma ballade dans Strasbourg, parce que certes on dirait que j'ai digressé prodigieusement, mais il n'en est rien. Cet été j'ai fait une assez longue promenade en ville avec cet état d'esprit "et si je n'avais jamais vu Strasbourg depuis si longtemps", et j'avais principalement en tête trois lieux que j'apprécie énormément : la cathédrale (ça, c'est fait), le Parlement Européen et la Petite France. Bon, le Parlement Européen j'y ai pas remis les pieds depuis que j'ai déménagé... en revanche, la Petite France a fait l'objet d'une ballade entre amis, ma première de ce road-trip français.

Sauf que cette introduction est tellement longue que je vais garder ça pour la suite, hihi.

2 commentaires:

  1. Aaaah !
    La belle dame rose <3
    Le souci avec cette cathédrale, c'est qu'elle est tellement imposante qu'on manque de recul pour l'admirer toute entière... :)

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    1. Oui c'est bien le souci... les photos aériennes sont les plus impressionnantes, on se rend compte à quel point elle écrase Strasbourg de sa hauteur !

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