Je sais, il est assez ironique de parler de l'Avent après (padam tschiii !) Maintenant que cette blague vaseuse a été expédiée, rappelons que le mot "Avent" n'a étymologiquement rien à voir avec "avant", même si le Temps de l'Avent, c'est bien le temps avant.
Plusieurs tradition égrènent ce Temps de l'Avent, Advent comme on dit par chez nous (comme en allemand ou en anglais, rien d'exotique donc). Certaines sont désormais extrêmement répandus, comme le calendrier de l'Avent qu'on ne présente plus, d'autres sont plus locales. Par exemple, la Saint Nicolas.
La Saint Nicolas, c'est une fête emblématique de l'Avent, qu'on retrouve surtout en Europe Centrale, propagée par sa grande popularité dans les pays germaniques. C'est par la culture flamande que la fête est introduite aux Wallons et au Nord de la France, la fête étant très populaire aux Pays-Bas et en Flandres, au point que ces-derniers se targuent souvent d'être à l'origine de cette fête. "Sinterklaas, c'est nous !". Est-ce vrai ?
Alerte Spoiler : Non.
Déjà, l'origine de Saint-Nicolas en tant que personne, c'est un Saint qui est né à Patara en Turquie au IIIème siècle. La fête, elle, est apparue pour célébrer ses reliques amenées au le Duché de Lorraine au Xème siècle, où on lui a même construit une basilique, près de Nancy. Les marchés dédié au Saint de cette basilique et son culte deviennent alors populaires et se répandent rapidement dans toute l'Europe germanique qui va en faire la grosse fête que l'on connaît aujourd'hui. Donc non, les Néerlandais ne sont pas à l'origine de cette fête, bien qu'elle soit chez eux devenue une véritable institution. Chez eux, ils quitte l'Espagne (?) pour venir leur rendre visite, accompagné de ses fidèles servants noirs, les Swarte Piet, aujourd'hui sources inénarrables débats sur le racisme et la représentation des noirs dans cette fête. A la limite, on pourrait se dire qu'ils s'en sortent encore bien, vu qu'ils sont gentils (un peu cons, apparemment, mais gentils) et aident à la distribution des présents, tout comme en Belgique.
En Alsace-Lorraine, on n'a pas Swarte Piet. On a le cauchemar des écoliers, la terreur des enfants, l'abomination venue du froid : Le Père Fouettard. Ou comme on l'appelle en Alsace, le... oserai-je ? Je dois être fort...
Le Hans Trapp.
*frissons*
Le Saint Nicolas apporte en Alsace clémentines et pain d'épices |
Pour (re)découvrir cette merveilleuse légende alsacienne comme on n'en fait plus, Charlotte s’est chargée de vous la résumer.
Saint-Nicolas est généralement représenté comme un vieil homme à barbe blanche en tenue d’évêque (rouge et blanche), il apporte des cadeaux et friandises aux enfants sages, parfois même dans leurs chaussons ou leurs bottes (comme en Hongrie). Je ne vous fais pas un dessin : Le Père Noël (aka Santa Claus, hum hum) c'est lui. Sa figure a évolué, s'est amalgamée avec diverses traditions locales pour devenir le très générique (et très peu religieux) Père Noël. D'ailleurs, c'est amusant de voir comment les amalgames fonctionnent, puisqu'en Finlande il a gardé le nom de l'ancienne figure qu'il a remplacé, Joulupukki.
Le Bouc de Noël.
(Après tout, on ne sait pas tout de son caractère)
De biens jolis mannala (tirés de ce blog) |
Néanmoins, certaines cultures continuent à le célébrer et le représenter indépendamment du Père Noël, notamment les Allemands et les Autrichiens pour qui il reste presque plus important que sa copie. Et pour les Alsaciens aussi. Autant dire que j'y ai eu droit comme il fallait tous les ans dans mon enfance, quel que soit le côté du Rhin où j'étais. Lorsqu'il passe on reçoit souvent un pain-d'épice décoré d'une image le représentant, avec des clémentines et des cacahuètes (et parfois du chocolat). C'est aussi lorsqu'il passent, aux alentours du 6 décembre, que l'on mange des Mannala (aka Manala aka Männele), des petites brioches en formes de bonhommes (Mannala (Alsacien) = Männerlein (Allemand) = bonhomme) qui passent très bien avec un bon chocolat chaud bien épais (on en a vu dans la vitrine de la boulangerie dans ma vidéo sur les marchés de Noël). Je les ai toujours suspectés de représenter les petits enfants qui se font bouffer pour le Hans Trapp, mais en fait ils représentent au choix le Saint-Nicolas lui-même, ou les enfants qu'il sauve (mais on finit quand même par les manger, niahaha). A noter qu'en Allemagne, ils ont un équivalent du Mannala que l'on mange à la Saint-Martin, une belle fête sur le partage dont je vous parlerai à l'occasion. J'ai découvert en faisant mes recherches qu'à l'origine ils avaient d'autres formes (animaux et démons) pour chasser le mauvais sort et les menace de l'hiver (paye ton paganisme tardif).
Bref, les non-Alsaciens comprendront désormais cette blague :
Manala, dans la mythologie finnoise, c’est le monde des morts, l'équivalent de l'Hadès grec. Pour moi c'est surtout une brioche en forme de bonhomme :-D |
Mais la Saint-Nicolas, si si elle reste l'étape essentielle de l'Avent, ne fait pas tout. L'Avent c'est surtout l'attente de l'arrivé du Petit Jésus (Avent vient de adventus, l’avènement). Pour garder son mal en patience, on se prépare aux festivités, notamment en faisant des TONNES de Bredele.
Que sont les bredele ? Je vous explique ça :
Bredele utilise la même forme diminutive que Manala (ou Manele), qui en font donc des "petits pains", littéralement. Ces petits biscuits de Noëls sont extrêmement populaires en Alsace et dans tout le bassin rhénan, les fameuses Trois Frontières (Alsace - Suisse - Allemagne), chaque pays apportant ses particularités, ses spécialités, ses retouches aux grands classiques. Idéal pour thés, vins ou jus de pomme chauds ( Et Glögi, aussi, quand j'en fais en Finlande !)
Moules à Springerle sur le marché de Noël de Kaysersberg. |
Certains sont assez faciles à faire, notamment les sablés au beurre et les Schwowebredele, d'autres nécessitent un peu plus de travail, de temps et d'expertise. Les Springerle, par exemple, sont des gâteaux légèrement anisés qui doivent être séchés dans un torchons, dans des conditions d'humidité et de température particulières, pour être réussis - et heureusement que ma grand-mère sait les faire sinon je serai obligé d'en acheter. Leur surface est illustrée d'images de la vie de tous les jours grâce aux moules avec lesquels ont les fait. Il existe aussi des rouleaux à pâtisserie sculptés pour faire les motifs des Springerle plus facilement, en un passage de rouleau.
Pour garder le fil du temps qui passe, tout le monde aujourd'hui connaît le calendrier de l'Avent, avec ses 24 fenêtres. C'est pourtant à l'origine une tradition allemande de la moitié du XIXème siècle, apparue à peu près ne même temps que la couronne de l'Avent, dont je ne me suis rendu compte que récemment qu'elle était beaucoup moins répandue que je ne le croyais. Fonctionnant également comme un compte à rebours, elle nous vient elle-aussi d'Allemagne :
De façon intéressante, calendrier et couronne de l'Avent sont tous deux des inventions protestantes bien qu'elles aient été rapidement adoptées par les autres chrétiens (l'inverse est rarement vrai, à l'exception peut-être de la Saint-Martin que certains protestants célèbrent de façon plus ou moins détournée malgré le fait qu'il s'agisse d'une célébration de Saint.).
Le concept initial de la couronne de l'Avent. |
Toutefois, les catholiques ont introduis le concept de la quatrième bougie devant être rose tandis que les trois autres doivent être violettes. Bon, aujourd'hui, les gens mettent les couleurs qu'ils aiment, en général, et je doute que beaucoup se souviennent des symboliques plus ou moins tardives qui se sont greffées sur ces quatre bougies. D'ailleurs, comme je le mentionne dans la vidéo, les premières couronnes étaient des comptes à rebours intégraux, avec une bougie pour chaque jour de chaque semaine de l'Avent. J'en ai vue une comme ça à Müllheim, en Allemagne, montée sur une roue de chariot en bois, c'était superbe mais j'avais pas mon appareil photo... (boulet)... du coup voici un dessin de la première couronne de l'Avent.
Voilà, gavés de Bredele, nous pouvons donc aller nous balader sur les marchés de Noël pour boire du vin chaud et y acheter notre sapin, avant de le ramener à la maison et de le décorer en attendant la naissance du Petit Jésus (ou les repas de famille, quand on reste indifférent au Petit Jésus). C'est une époque de l'année gorgée de senteurs et de saveurs épicées et fruitées. Que l'on soit chrétien ou pas, on peut profiter des nombreuses illuminations et de l'ambiance qui on l'a vu n'a plus forcément toujours de grand rapport avec la fête chrétienne qui l'inspire. Les décorations de nos sapins ont perdu leur symbolique chrétienne, les figures emblématiques se sont amalgamées en images plus populaires que religieuses, et des éléments purement profanes se sont ajoutés à ce qui fait Noël, de la nourriture à l'encens en passant par les illuminations. Peu de gens ignorent aujourd’hui que Jésus n’est probablement pas né en décembre d'après les éléments donnés par la Bible - s'il est bien né tout court d'ailleurs - et que la fête de Noël n'a été mise en place à cette époque de l'année que pour supplanter en douceur les fêtes païennes du solstice d'hiver, notamment les Saturnales romaines, puis dans toutes les cultures païennes européennes. Alors l'important est-il encore la naissance de Jésus ? Ou bien plutôt de se retrouver et se réchauffer en famille et entre amis dans la période la plus sombre et la plus froide de l'année, en se faisant plaisir, en partageant de bons repas et en renouvelant ses marques d'affection et d'amitié en échangeant des cadeaux - un présent contre un présent, comme le dit Odin dans le Hávamál ? Chacun décidera pour lui-même. Pour ma part, malgré mes propres convictions en la matière, je continue à aimer l'ambiance de Noël, par nostalgie, certes, mais aussi parce que l'atmosphère que cette fête installe entre les gens reste un des plus beaux moments de l'année.
Et en particulier dans une région qui le fête aussi joliment que l'Alsace.
Super article! Ta vidéo sur les bredala m'a donné faim ^^
RépondreSupprimer(Au passage, j'adore ton accent Alsacien qui ressort une fois de retour au pays) (ça me rassure, je suis pas la seule)
Merci pour le lien sur cet article vieux de mille ans (t'as dû fouiller les archives pour le retrouver?)
Et j'en profite pour te souhaiter une bonne année :)
Ma sœur m'a aussi fait remarquer l'accent ^^ C'est à force d'avoir un mot en dialecte tous les 5 mots français, j'imagine ! Quant à fouiller tes archives, tu n'as pas idée comme le moteur de recherche interne me manque -.-' mais j'y tenais, à mettre le lien !
RépondreSupprimerBonne année à toi aussi, continue à nous faire visiter la Nouvelle Zélande, c'est toujours chouette !
J'ai enfin pris le temps de lire ton article :) Amusant, c'est vraiment similaire à la Belgique. La légende est la même, et on mange aussi une brioche en forme de bonhomme. A part que la notre a les pieds remplacés par une seconde tête, s'appelle Cougnole (cougnon à Bruxelles) et est ornée en son centre d'une pièce en plâtre appelée Patacon (habituellement joliment décorée).
RépondreSupprimerOh, intéressant ! Ça représente quoi chez vous ? Pourquoi un Patacon ?
SupprimerLa légende avec l'ogre qui fait le sale boulot est quand même plus classe que juste "Il a un gentil servant", hein :-p
Oups, je ne t'avais pas répondu. La Cougnole représente le petit Jésus. D'ailleurs, les patacons sont en voie de disparition, on trouve plutôt un petit Jésus en sucre rose à la place ces temps-ci.
SupprimerEt d'où vient le nom patacon, je n'en sais rien. Peut-être une origine espagnole comme beaucoup de mots en Wallonie?
Très bel article, et bredele bien appétissants ma foi ! :D
RépondreSupprimerJ'adore l'accent qui persiste après chaque mot alsacien :D
Je plaide coupable :D Content que ça te plaise ! Dans le futur, nous aurons probablement moyen de partager en ligne saveurs et odeurs, et quand ce sera le cas, je referai cet article... ^^
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