Comme souvent je suis de retour en Alsace pour les vacances d'hiver, histoire de passer le Solstice, Noël et Nouvel An en famille. Or, cette année, j'ai décidé de me lancer dans une présentation de cette période de l'année dans ma région, comme j'avais prévu de le faire il y a déjà un moment (sans déconner, j'ai des vidéos du marché de Noël de Strasbourg qui ont déjà quatre ans... Oui, oui, QUATRE).
Toutefois, avant de commencer cette mini-série d’article « Noël en
Alsace », je me dois de mentionner que depuis quelques jours, nonobstant
la volonté populaire et l’avis du Sénat, la région Alsace a officiellement été
fusionnée par le gouvernement avec les régions Lorraine et Champagne-Ardennes
dans une grande Région ALCA. J’en prends bonne note. Néanmoins, l’Alsace, la
Lorraine, la Champagne et les Ardennes ne disparaissant pas pour autant, et la
culture alsacienne étant tout de même assez spécifique, je me permets de dire
un gros merde et de lancer ma série de Noël comme prévu.
En Alsace.
La classe, la vraie. |
Sélestat est surtout connue pour sa bibliothèque humaniste,
symbole de l’importance de la ville durant l’émergence et le rayonnement des
Lumières. L’Alsace est terre d’humanisme, on se rappellera par exemple que
Gutenberg y « inventa » la presse à caractères mobiles, lançant à
grande échelle l’imprimerie avec les conséquences que l’on sait. Pour en
revenir à Sélestat, il y a une autre source de fierté pour cette ville, qui est
plus de saison. En effet, c’est dans les anales de Sélestat (enfin, dans ses
livres de comptes pour être exact) que se trouve la plus ancienne mention
écrite de…
…l’arbre de Noël.
Alors non, Sélestat ne l’a certainement pas inventé, mais en
tout cas c’est ici que l’on peut retracer au plus loin les origines de notre
beau sapin, roi des forêts. L’année est 1521, et la ville paye alors 4
schillings aux gardes forestiers pour « surveiller » les arbres destinés
à devenir ces fameux arbres de Noëls qu’on appelle des Meyen. J’imagine
que déjà à l’époque certains grugeaient et allaient couper le leur à la
sauvage, comme quoi, rien n’a vraiment changé. Cette année, une exposition à
l’église Saint-Georges de Sélestat retrace l’histoire de ce fameux arbre et j’y
ai fait un petit tour.
Bon, comme niveau mise en place des sapins et éclairage c’était pas le pied pour mon appareil photo, on va y aller avec la vidéo pour mettre dans l’ambiance et je vous résume tout ça en dessous. Pour en profiter mieux et vous attarder sur chaque type de décoration, venez à Sélestat ! (Rien de plus facile, hein ?)
L’arbre de Noël est un remplacement tardif d’une plus
ancienne tradition païenne, sans surprise, où les branches suspendues sont
devenues de jeunes arbres entiers, au début du XVIème siècle, pas
forcément des sapins d’ailleurs, même si ces-derniers font évidemment mieux
l’affaire : Un arbre vert en hiver… voilà. En plus, y a le côté vie
éternelle qui triomphe de la mort, je ne vous fais pas un dessin quand on
célèbre l’anniversaire de Jésus. Les premières décorations étaient des petites
pommes rouges alsaciennes récoltées en octobre et consommées en décembre qu’on
appelle Christkindel Apfel, ou pomme du Petit Enfant Jésus.
Pommes et hosties non-consacrés : Le péché et la rédemption. |
Au cours des siècles, la décoration va évoluer, évidemment.
Tout d’abord on va ajouter à la pomme qui rappelle le péché originel des
hosties non consacrées pour symboliser la rédemption à travers le sacrifice de
Jésus (dont on fait l’anniversaire… bonjour l’ambiance. C’est comme les crèches
avec des croix prémonitoires dans le fond. Youpi, c’est la fête, il est né le
divin enfant !). A partir du XVIIème siècle les Protestants
rajoutent des papillotes en formes de fleurs en papier, et notamment de roses,
pour rappeler le « rameau fleuri de Jessé » dans l’Ancien Testament.
D’ailleurs, cette même référence florale se retrouve à la même époque dans le
vieux chant de Noël allemand « Es ist ein Ros’entsprungen » (Une rose
a jailli), que je vous ai mis dans la vidéo.
Un siècle plus tard se généralise une autre décoration qui
existait pourtant depuis pratiquement le début, à savoir les étoiles en
feuilles de métal, ainsi que d’autres décorations plus populaires et moins
religieuses. Sans même l’odieux complot de Coca-Cola, Noël échappe déjà au
carcan strictement religieux et devient une tradition populaire où le
symbolisme christique des décorations et de l’ambiance commence à passer au
second plan. Entre le XVIII et XIXème siècle on commence notamment à
accrocher des bredele et springerle (je vous ferai un petit truc sur les
bredele plus tard), les petits gâteaux de Noël alsaciens, ainsi que du pain
d’épice et des noix dorées et argentées, et les enfants ont comme droit à la
fin des célébrations (les Rois inclus) de secouer le sapin pour faire tomber
tout ça pour se baffrer. Bref, le sapin est surtout destiné à faire plaisir aux
enfants. Toujours pas de Père Noël Coca-Cola.
Sapin décoré de Bredele et pain d'épice avec images. |
Au cours du siècle les bredele et
les pains d’épices deviennent plus sophistiqués, avec des glaçages et des papiers
imprimés pour les décorer (comme ceux qu’on voit encore sur les pains d’épices
de la Saint Nicolas). C’est aussi à cette époque-là que les Allemand mettent un
petit enclos autour de leur sapin pour rappeler le «Paradis Perdu »,
tandis que les Danois, après leurs petits problèmes de voisinages avec l'Allemagne parent le leur du drapeau national, lançant cette mode nordique qui perdure encore aujourd’hui
(Ah oui, et aussi des soldats et des canons et des tambours et des trompettes.
Parce que vive le Petit Jésus, et vive la guerre !). Fin XIXème
arrivent les décorations en paille, mes favorites – qui ne sont donc pas si
traditionnelles que ça. Arrivent aussi les petits anges en feuilles de métal,
les pommes de pain dorées… Et surtout les bougies qui commencent à désormais à
illuminer l’ensemble. Le sapin « tradi » n’est finalement pas si
vieux.
Petite anecdote à mes camarades venus de la France de
l’Intérieur, ce sont les Alsaciens qui se sont exilés en France après la guerre
de 1870 qui ont massivement propagé cette tradition germanique en France.
« Là où il y a une famille alsacienne, il y a un sapin de Noël »,
disait-on à l’époque. Merci qui ?
La Maison du Pain d’Épice de Sélestat, son sapin décoré de bredele, bretzels et pains d'épices, façon XVIIIème siècle donc. Dans le fond, l'église Saint Georges où se trouvait l'exposition. |
Le sapin moderne, à guirlande électrique. |
Et puis arrive enfin le siècle du Coca-Cola, des décos en
plastique, du kitch avec l’ange doré sur la pointe du sapin qui fait flotter
son « Gloria In Excelsis Deo ». Les bougies et les cierges magiques
sont partout, remplacés plus tard par les guirlandes électriques, les décos en
verre, puis en plastique, les cheveux d’ange… Bref, on arrive en terrain connu.
La suite vous la connaissez de toute façon : Fausse neige en spray,
surcharge multicolore clignotante, sapins en plastique pour des raisons
écono/logiques, et mêmes sapins en plastiques blancs, bleus…
L’expo se terminait sur cette mode venue des USA : Le
sapin suspendu à l’envers (on le voit illuminé en bleu dans la vidéo), qui fait gagner de la place et permet plus de
visibilité des décos, et qu’une célèbre galerie parisienne a d’ailleurs reprise
récemment. Ironie du sort, ces sapins retournés seraient tirés d’une vieille
tradition païenne tombée en désuétude, qui n’est pas sans rappeler les branches
suspendues que le sapin chrétien avait remplacées. Après avoir perdu sa
symbolique strictement religieuse pour s’intégrer à une culture plus populaire,
la boucle et bouclée, le cycle est achevé.
Pour une fête calée sur le Solstice d’Hiver, c’est d’une ironie
savoureuse.
L'église Sainte Foy. |
Petite anecdote pour mes camarades venus de la France de
l’Intérieur, saviez-vous que les boules de Noël en verre seraient elles-aussi
originaires d’Alsace ? Selon les récits populaires, c’est à cause d’une
récolte pourrie dans les Vosges du Nord, en 1858, qui priva nos sapins de la
fameuse variété de pomme Christkindel, et qui poussa donc un artisan de
Meisenthal à pratiquer son art pour parer à la disette. Souffleur de verre, il
crée des pommes en verre qui deviendront nos boules de Noël modernes.
D’ailleurs, dans l’église Sainte-Foy de Sélestat, il y avait
un lustre de boules de Meisenthal en «hommages aux lustres à l’ancienne qui
éclairaient autrefois les églises. C’était assez joli mais j’aurai aimé avoir
une vraie expo pour les voir de plus près, ainsi que différentes sortes. C’est
toujours chouette de voir le travail des artisans souffleurs de verre…
J'ai fait un peu de tourisme au passage avec mon père donc en bonus je vous met quelques photos de Sélestat parce que ça vaut toujours le coup de s'y promener !
L'église Sainte Foy aussi, avec son puits et sa couronne. |
L'Alsace, une terre d'architectureS. |
La Porte de Brisach |
La célèbre Tour des Sorcières. Non pas qu'elles y aient vécu... c'est même plutôt le contraire. |
Des colombages, des façades peintes et/ou sculptées, des portails bleu vif, et surtout une Coop : Vous êtes en Alsace, et vous le savez. |
Bon, moi, en tout cas je le ferai, en revanche pour les articles, je ferai ce que je pourrai... ^^
QUATRE ANS DE RETARD !!
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