mercredi 15 octobre 2014

Impressions danoises (Partie 3) : Cimetière viking à Lindholm Høje

Alors que notre séminaire touchait à sa fin, nous nous sommes tous dit au-revoir, Norvégiens, Danois et Finlandais, parce que les Norvégiens partaient plus tôt pour passer un week-end tranquille à Copenhague avant de rentrer parce que leurs vols étaient compliqués. Nous autres du groupe finlandais, on étaient tous bloqués à Aarhus. Tous ? Non ! Un irréductible curieux résista encore et toujours à l'appel de H&M et se décida à prendre le train direction Lindholm Høje, au nord du Jutland.

Petit rappel géographique pour les nuls - et plus généralement ceux qui s'en foutaient un peu en cours, du Danemark - le Jutland, pays des Jutes, c'est la partie du Danemark dont tout le monde pense que c'est le Danemark en oubliant généralement les îles à côté (où se trouve pourtant Copenhague, la capitale). C'est la partie continentale du pays, accolée à l'Allemagne. Sur cette carte vous pouvez voir Aarhus (orthographié Århus) sur la côte Est, dans l'Est-Jutland. Pourquoi l'orthographe Århus au lieu de Aarhus, me demanderez-vous ? Parce que la ville, autrefois appelée Aarhus, a voulu se la péter en changeant de nom en 1948 à la suite d'une réforme de la langue (comme quoi, y a pas que les Allemands qui se sont compliqué la vie avec leur Neue Rechtschreibung). Sauf que les gens ont râlé, tant et si bien qu'en 2011, ils sont revenus à l'orthographe Aarhus qui ne satisfait néanmoins toujours pas tout le monde. Aujourd'hui les deux orthographes peuvent être utilisées mais le double "Aa" reste la version officielle qu'on retrouve presque partout.

Plus au nord, on trouve Aalborg, qui elle n'a jamais essayé de se la péter en changeant son nom en Ålborg, et qui doit bien se marrer maintenant. Bref. Juste à côté, mais vraiment juste à côté puisque les deux villes partagent le même système de transport en commun, se trouve Lindholm Høje, ma destination. Voilà, vous avez maintenant une idée géographique de ce mini-périple.

Et en plus, ceux qui l'ignoraient peuvent découvrir grâce à cette carte où se trouve la Vieille Zélande, ce qui est toujours bon à savoir à une époque où l'on ne se soucie plus que de la Nouvelle.

Pourquoi se faire chier à prendre le train jusqu'au Nord-Jutland alors que je pourrais tranquillement profiter de mon après-midi à Aarhus, me direz vous (sauf, évidemment, si vous avez lu l'article précédent). Et bien c'est tout simple : Se trouve à Lindholm Høje un important cimetière viking de plusieurs centaines de tombes. Pour tout vous dire, j'ai une petite liste de lieux que je tiens absolument à voir dans ma vie dans les pays nordiques, et ce site funéraire était dessus. Me trouver si près et ne pas m'y rendre, c'était simplement impossible. Presque - oui, n'ayons pas peur des mots - presque criminel. J'ai donc pris le bus mon mal en patience devant la lenteur des bus, puis le train. Bon, n'ayant pas précisé que je voulais un siège, j'ai un ticket sans siège réservé et me retrouve assis dans l'entre-wagon, ça me rappelle mes études à Strasbourg et les aller-retours en TER... ça me permet d'admirer le paysage du Jutland, fait de champs et de forêts légèrement vallonnés et parsemés d'éoliennes. Franchement, je me serai cru au Bade-Wurtemberg, si ce n'est pour l'architecture des maisons qu'on passait (BRIQUES ROUGES !). De manière générale, la région fait très allemande, avec une touche nordique. Finalement, après plusieurs arrêts, le train s'immobilise en gare de Aalborg, et j'attends, sachant que Lindholm est juste après. J'attends. Grosse gare, me dis-je, ça prend plus de temps. Quand soudain, le contrôleur me sort "Ce train ne va plus nulle part, vous devez descendre" "Mais j'ai un ticket jusqu'à Lindholm" "Ah, alors faut prendre le train qui se trouve devant."

Je tiens à préciser que je n'ai rien contre les connections, hein. Du moment qu'on m'avertit qu'il faut changer de train (au guichet, sur le billet, ou les deux, même). Je dois donc courir un peu - comme d'habitude, diront certains - mais je choppe le bon train et deux arrêts plus loin, me voilà à Lindholm. Et là, sans déconner, je débarque du train, et le quai donne sur ça :

Ceci me permet de vous prouver que la brique, c'est pas seulement Aarhus. Maintenant imaginez que vous ne connaissez pas l'endroit, ni la langue, que vous cherchez un cimetière viking, et qu'on vous largue ici. Voilà.
 Une zone résidentielle. Pas un centre-ville, pas un centre commercial, pas même un Lidl, non, non, juste des blocs d'appartements (et oui, briques). Du coup je dois m'aventurer au hasard, je tombe sur quelques personnes pas franchement prêtes à me répondre en anglais ou en allemand, mais de fil en aiguille, les vagues indications du genre "tout droit pendant, environ... je sais pas, deux trois carrefours... puis à gauche, et après un moment y aura un panneau.", je finit par trouver le panneau. Et contrairement à celui de Gamle By, il m'a pas baladé comme un couillon ! J'arrive à bon port après avoir traversé un petit bosquet, me voilà au site funéraire viking de Lindholm Høje.

Première impression du site, alors que le soleil joue à cache-cache derrière les nuages... Des centaines de pierres s'alignent sur cette colline où broutent des moutons comme si de rien n'était. Le ciel, lui, retentit littéralement du croassement des très, très nombreux corbeaux.

Une fois sur place, on peut voir les différentes formes laissées par les pierres. Trois motifs principaux reviennent ici : les formes de bateaux, les ovales, et les triangles (apparemment plutôt pour les femmes). Les pierres étaient disposées sur le sol dans ces formes au sein desquelles on construisait le bûcher sur lequel le corps serait brûlé, avant que les restes de la crémation ne soient recouverts d'un monticule. Plus tard, notamment avec la christianisation, on enterra également des corps tout en conservant la tradition des pierres.
Les moutons entretiennent le site de façon écologique et pratique, tout en donnant un charme paisible à la scène. L'endroit est un parc ouvert à tous et à toute heure, gratuitement, et est apparemment très prisé des locaux. J'y ai vu deux couples, par exemple. Finalement, c'est un peu le Père Lachaise en version viking. En plus, les moutons ayant l'habitude de voir des gens, ils ne s'effraient pas comme en Islande. Au contraire, je crois qu'ils attendent même que ça tombe de la poche !
Une tombe en forme de bateau à flanc de colline. On ne le voit pas trop à cause des arbres, mais cette colline surplombe la ville (et donc l'ancien village) avec une belle vue sur la mer si l'horizon était dégagé. Cela dit, de nos jours, les arbres limitent l'intrusion visuelle de trop d'éléments modernes et permettent au site de garder une certaine solennité et toute sa beauté.
Une autre tombe en forme de bateau, avec de belles pierres plus grandes pour la poupe et la proue.
Au premier plan à droite, un bel exemple de tombe triangulaire, avec son menhir central posé comme une stèle. Une autre tombe triangulaire plus petite se trouve juste derrière.

Quelques tombes typiques du site. Derrière les arbres on distingue légèrement le musée, très, très intéressant par ailleurs, avec un étage sur le site funéraire et un sous-sol dédié au Jutland du néolithique à l'âge viking, notamment l'exploitation massive du silex pour lequel la région était réputée.
Les corbeaux prennent leur envol et s'apprête à faire leur ronde au-dessus des tombes. Messagers d'Odin / Wodan, à l'image des deux corbeaux de compagnie du dieu, Hugin et Munin (Pensée et Mémoire), ces vols de corbeaux semblaient particulièrement appropriés à cette visite.
Tombe ovale incomplète.
Un autre envol de corbeau sous le soleil couchant...
Une colline, une tombe-bateau et des moutons, y a pire comme ultime lieu de repos.
Un dernier regard en arrière avant de quitter le site pour rentrer à Aarhus...
Représentation de Frøya, déesse de la fertilité, trouvée à Rebild.
Après avoir visité le musée et pris le temps de profiter du site, j'ai dû me résoudre à rentrer, j'avais encore le train à prendre et le lendemain matin nous devions déjà quitter le Danemark. Autant dire que je ne pouvais pas me permettre de rater un dernier train ou une boulette de ce genre-là. C'était donc une visite qui m'a pris plus de temps en transports qu'autre chose mais qui, vraiment, valait le coup. Le musée est très chouette, le site en lui-même est superbe, je suis ravi d'avoir insisté auprès de mes profs pour leur arracher cette escapade en solo la veille de notre départ.

Bilan de cette "petite semaine" à Aarhus : Un séminaire des plus intéressants sur le travail social dans les pays nordiques, de chouettes rencontres, notamment avec les étudiants norvégiens, et quelques visites calées autant que faire se pouvait dans un emploi du temps occupé par le boulot... Deux musées et de belles ballades en ville à Aarhus, je suis plutôt content de moi !

Des pièces de Hefnatafl, le jeu de plateau nordique référencé dans les sagas, remplacé plus tard par les échecs. Pour ceux qui m'ont vu jouer ou m'en ont entendu parler ! J'en parlerai peut-être dans un article à part, à l'occasion.

Et pour conclure cette mini-série d'Impressions Danoises, une petite vidéo bonus avec deux trois petites choses pour complémenter l'article sur Aarhus, celui sur Gamle By, et celui-ci :-)

1 commentaire:

  1. Très belles images, qui invitent au voyage, comme d'habitude.

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