dimanche 12 octobre 2014

Impressions danoises (Partie 1) : Aarhus

La salle commune de notre auberge de jeunesse, à l'heure du petit déjeuner !
Afin de participer à un séminaire sur la question du multiculturalisme dans le travail social au sein des pays nordiques, j'ai passé avec quelques camarades de classe une petite semaine à Aarhus, la seconde plus grande ville du Danemark. C'était ma première visite dans ce pays, en dehors des nombreuses attentes entre deux vols à l'aéroport de Copenhague dont je n'étais jamais sorti jusqu'ici, autant dire que j'étais assez excité à l'idée de pouvoir enfin voir un peu plus du Danemark que la zone internationale de son aéroport.

L'ironie du sort c'est que je n'ai toujours pas visité Copenhague !

En effet, nous n'y avons fait qu'escale avant de reprendre rapidement un seconde vol vers Aarhus - plus rapide que prendre le train. Pour donner une idée générale, la ville se trouve à l'Est du Jutland (la partie du continentale du Danemark à la frontière allemande) dont elle est la capitale culturelle, sur les rives du Kattegat, c'est à dire le bras de mer qui connecte la Mer Baltique et la Mer du Nord et qui a vu l'émergence de la culture viking. C'est le plus gros port du Danemark et l'une des plus vieilles villes du pays (8ème siècle Ap.). On y trouve aussi l'un des plus grands "ghetto" du Danemark avec 10 000 à 15 000 immigrés, majoritairement réfugiés, avec beaucoup de palestiniens et de syriens, notamment. Je précise parce que j'y suis quand même allé pour un séminaire sur le travail social, hein, et que la visite du ghetto fut des plus intéressantes. Aarhus est par exemple pilote dans l'introduction d'une police de proximité similaire à celle qu'on trouvait en France jusqu'à encore récemment (Avant que Nicolas Sarkozy ne leur préfère les CRS). Le succès de cette nouvelle police est énorme, et plusieurs villes danoises s'apprêtent à appliquer le modèle. Cela dit, en voyant ces énormes quartiers à réfugiés, je ne peux m'empêcher de penser à quel point la Finlande a eu raison de choisir l'option d'éclatement des groupes plutôt que la localisation par groupe ethnique ou culturel. Le Danemark paye sa politique communautaire d'immigration (comme le fait la France), et j'espère que les Finlandais continuerons à éviter cette méthode. Cela dit, le quartier où on a visité deux centres pour jeunes a une très mauvaise réputation et honnêtement je n'ai rien vu de spécial (rien de démoli, rien de brûlé, etc.) et on nous a pas embêté non plus... J'ai eu affaire à plus de violence, insultes et agressions autour de la banlieue de Colmar que dans ce gigantesque "ghetto".

En revanche, ce que je ne m'attendais pas à trouver dans un quartier à la réputation "sensible", c'est un local associatif pour jeunes défavorisés dont la façade est décoré d'un énorme Yggdrasil ! Au milieu d'une architecture assez tristounette (pour ne pas dire lugubre avec un collège tout-béton façon prison est-allemande), je tombe sur un très bel Yggdrasil, coloré et plein de symboles - et sans tags ni rien, comme on peut le constater. On y trouve l'aigle Hræsvelg, l’écureuil Ratatosk, le loup Fenrir, une Norne sous les racines, Asgard et Midgard dans des médaillons, le marteau de Thor, une pomme d'Idunn... C'est vraiment référencé et respectueux, j'étais très surpris, d'autant plus que voilà, imaginez pour l'équivalence trouver une fresque sur Roland dans une ZUP.

Pour rappel, Yggdrasil est l'Arbre-Monde de la mythologie scandinave, l'équivalent de l'Iminsul germanique, et qu'il représente le pilier qui rassemble les divers mondes de cette mythologie. C'est un lien entre les monde, la connexion entre le passé et le futur, les dieux, les Hommes et les Géants, les vivants et les morts. Et je trouve donc que c'est un des plus beau symboles qu'on puisse trouver pour un endroit tel que celui-ci.

Néanmoins je n'ai pas fait que visiter la banlieue de Aarhus, j'ai eu également l'occasion de me promener en ville et de découvrir l'architecture urbaine danoise. Et une conclusion s'impose rapidement lorsqu'on s'y promène : Les Danois aiment leurs briques.

Une maison individuelle ? Choisissez la brique !
On reste sur du style nordique pour le centre-ville, mais on prend de la brique.
Brique.
Location de vélo, parce que le cyclisme ici c'est très important. Et brique !
BRIIIIIIIQUE !!!! (Même pour la cathédrale)
Le clocher massif et très joliment décorée de la cathédrale dédiée à Saint-Clément, patron des marins. 96 mètres de haut, quand même, la plus haute du Danemark (à titre de comparaison, la récente Hallgrímskirkja à Reykjavík ne mesure "que" 75 mètres de haut)
On sent bien qu'on est dans un pays nordique dans le style, notamment la manière de faire des fioritures, mais contrairement à la Finlande ou la Suède, qui choisis plutôt le Jugendstil quand elles passent à la construction en dur, les Danois, eux, ils y vont à la brique. De la brique partout, partout. Des usines en passant par les HLM, des vieux bâtiments historiques jusqu'aux églises et aux cathédrales, BRIQUE ! BRIQUE ! (ça explique peut-être pourquoi LEGO fut inventé au Danemark, en fait...) Précisons quand même que le Danemark fut le premier pays scandinave à construire en dur, utilisant la brique depuis près de mille ans, il y a donc une raison historique et même une certaine fierté culturelle. On trouve aussi quelques maisons colorées de bleu, jaune et rouge bien flash comme les aiment les nordiques, et dans la vieille ville, on sent l'ancienneté de la cité puisqu'on retrouve pas mal de colombage. 

L'Eglise Notre Dame d'Aarhus, qui accueille au sein de sa crypte la plus vielle église en pierre de Scandinavie, datant de 1060. La classe. Ah, et aussi : Briques.
Pour donner la pleine mesure de leur amour immodéré pour ce mode de construction, prenons la rue où on attendait régulièrement le bus pour rentrer à notre auberge de jeunesse :



Une jolie petite tour. Et des briques.
Voilà. Rouge, jaune, peu importe, pourvu qu'il y ait de la brique ! Cela dit, c'est rarement de la façade monotone et industrielle, et les fenêtre seront décorées, les frontons enjolivés, bref, on reste sur du nordique très reconnaissable, avec un goût prononcé pour les petites tours qui donnent un petit côté mini-château / contes de fées assez mignon. Après tout, c’est le pays d'Andersen !

Le truc qui m'a un peu agacé, c’est les vélos. Parce que, comme dans la plupart des pays nordiques, les gens l'utilisent énormément, mais contrairement à Helsinki ou même Reykjavík, les pistes cyclables à Aarhus sont vraiment, vraiment merdiques. Du coup, les cyclistes s'en foutent royalement et roulent comme des branques, à la strasbourgeoise, avec la politesse de portes de prison. Les carrefours pétions ? Un gros bordel. Les zones de travaux ? De vrais pièges mortels. Sérieusement, les gens ne ralentissent même pas, et si t'as pas des yeux derrière la tête tu risque de ne voir le cycliste qu'au moment d'entendre le gros WOOSH quand il passe à côté de toi (oui parce que contrairement à Strasbourg ou Helsinki, la sonnette vient en sup').

Heureusement le centre-ville reste assez facile à fréquenter, et sa construction en demi-cercle autour du port fait qu'on retombe assez vite dans des endroits connus. Pour se perdre à Aarhus, faut vraiment le vouloir.

Le centre-ville avec l'une des nombreuses passerelles au-dessus du canal.
Joyeux Noël ! C'était quand même bien les guerres et les massacres, non ? (source)
Un autre truc culturel qui m'a frappé c'est leur utilisation du drapeau danois comme... logo publicitaire. Ça a commencé lorsque, sur des affiches de promotions pour des supermarchés je voyais toute une ribambelle de drapeaux, et alors que je demandais à un des profs Danois si c'était bientôt la fête nationale, il me répondit "Non, c'est comme ça toute l'année. Le drapeau c'est pour faire plus populaire." En fait, les produits ne sont pas forcément danois de près ou de loin, mais y associer le drapeau national en fait quelque chose de plus sympa, de plus festif, de plus peuple. Je rappelle qu'on parle des gens qui ont inventé le concept de la guirlande de drapeaux pour décorer le sapin de Noël (tradition qui s'est répandu ensuite chez les autres Nordiques, puis ailleurs). D'ailleurs, outre les drapeaux en guirlande, ils aiment aussi décorer leur sapin de Noël avec des trompettes et des tambours, et ce depuis la guerre contre la Prusse pour le Schleswig-Holstein en 1864 (que j'évoquais justement dans cet article). Ambiance de fête, donc !

Exemple, une boutique dans la rue marchande :

Non, ce n'est ni la fête nationale, ni une boutique danoise. En revanche, achetez ici, on est cool, on a des drapeaux.
Étonnamment, le drapeau rectangulaire classique est strictement réservé aux bâtiments officiels, du coup, les particuliers ne peuvent pas l'accrocher dans leur jardin... Qu'à cela ne tienne, ils utilisent des pennons, ces longs fanions similaires à ceux que je vous avait montré en Finlande. Et là encore, ils y vont sans retenue. J'en profite pour rappeler que c'est le plus ancien drapeau national encore usité, son origine mythique datant de la bataille de Lyndanisse contre les Estoniens païens que les Danois, après avoir reçu cette bannière par Dieu lui-même qui la fit tomber du ciel, massacrèrent dans un formidable bain de sang par la volonté de leur Seigneur Jésus Christ. (Ambiance ! Ambiance !) L'autre légende sur son origine c'est que la bannière serait inspirée de la tunique du roi Danois Valdemar II, gorgée du sang des Estoniens, toujours lors de ce siège, à part là où il portait sa ceinture et son baudrier, d'où la croix blanche sur fond rouge (Ambiance ! Ambiance !).

Bref, un drapeau populaire et festif, hein !

Vous pourrez repenser à cette anecdote si jamais vous relisez mon article sur Tallinn, capitale de l'Estonie, puisque ce nom signifie la Forteresse des Danois et qu'on l'a appelée ainsi parce que ce sont bien les Danois qui l'ont construite à côté de la ville réduite en cendres, après avoir "reçu" cette bannière tombée du ciel. Ça vous mettra dans l'ambiance. 

Mais continuons notre petit tour dans Aarhus avec quelques images de plus pour donner une idée :

Alors ça c’est de l'entrée classe, avec le petit knorr en vitrail et les deux dragons...
Une des rues du centre-ville sur lesquelles on finit toujours par retomber.
Histoire d'être honnête, il n'y a pas que des immeubles en briques, hein. Exemple, celui-ci, qui est déjà plus proche de ce qu'on pourrait trouver à Stockholm ou Helsinki. Bon, là encore, difficile de faire plus nordique avec les motifs d'arbres et des plantes et, en plus, des entrelacs !
Mention spéciale à la gare qui, bizarrement, m'a beaucoup fait penser à une DeLorean et à un hoverboard...
Cet immense mirador en béton qui n'a pas l'air fini et jure complètement avec le reste de la ville, c'est la mairie. On l'applaudit bien fort.
Le séminaire nous prenant pas mal de temps, je n'avais pas vraiment beaucoup de marge pour aller visiter des musées. Néanmoins, en me dépêchant (et en partant en solo, ça aide aussi mine de rien), j'ai réussi à rejoindre un musée appelé Den Gamle By, la Vieille Ville, où comme à l'Ecomusée d'Alsace ou à Seurasaari en Finlande, d'anciennes maisons de tout le Danemark ont été démontées puis remontées ici pour recréer un village "à l'ancienne". Ce sera donc le sujet de mon prochain article...

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