samedi 18 novembre 2017

Au-revoir Finlande, bonjour Suède.

Après six ans et demi en Finlande, le Destin me fais bouger une fois de plus, vers la Suède, cette fois-ci. Un grand changement qui amène son lot de questionnements et de réflexions. C'est l'occasion pour moi de revenir sur plus de six années dans un pays qui me plaît, et mes sentiments vis-à-vis de ce nouveau départ.

Déjà, pour être clair, je ne pars pas parce que je ne m'y plais plus, au contraire. La Finlande n'est pas parfaite, mais elle me convient, culturellement, socialement, bon, je dirais pas économiquement parce qu'avec mes contrats 0h merdiques, on ne peut pas dire que je roule sur l'or. Et la raison principale de cette situation ce n'est pas mon éducation professionnelle - j'ai obtenu mon diplôme en Finlande - mais la langue. Si j'étais parvenu à apprendre le finnois, j'aurai déjà un vrai travail. Malheureusement, ce n'est pas le cas. 

Le théâtre national finlandais.
Il y a plein de raisons et de facteurs qui ont fait que j'échoue, entre les quatre premières années à gérer ma bipolarité sans suivi ni traitement, le coût prohibitif des cours intensifs alors que je galérais déjà à remplir mon frigo correctement, puis le fait que lorsque j'ai eu mon diplôme avec un peu de retard je n'étais plus éligible pour les cours du TE-Toimisto (le Pôle Emploi local), m'obligeant à me rabattre sur des cours moins intensifs et du coup moins efficaces. J'ai passé le niveau 1 il y a des années grâce à un cours intensif qu'on m'avait offert, j'ai donc pu observer que cette méthode-là fonctionnait bien sur moi, mais les deux heures par semaine ou les cours merdiques de survie proposés par ma fac, non, ça n'a pas marché. Problème de temps, de méthode, de capacités à un moment donné, bref, on peut trouver plein de raisons à cet échec, il n'empêche que ça reste cela : un échec. J'ai un vocabulaire passif correct, mais impossible de faire mieux que des phrases bateaux et ma liste de courses. Après plus de six ans, c'est faiblard. J'ai souvent croisé des étrangers vivant en Finlande qui me disaient avoir abandonné l'apprentissage de la langue et se débrouillaient juste en anglais, des gens qui y vivaient depuis plus de dix ans, et dans ma tête je me disais : "Pas moi." Je ne voulais pas devenir l'un de ces mecs-là, or l'horloge tique et nous y sommes presque, aux dix ans, et je dois me contenter de jobs pourris parce que, ben, je ne parle pas finnois (et pour travailler dans le social, c'est un peu compliqué). Ma précarité actuelle, je la dois à cet échec de l'apprentissage de la langue, il fallait donc y remédier d'une façon ou d'une autre.

Or, ma compagne a eu un poste à Lund, dans le Sud de la Suède, et elle m'a quand même demandé si je serai prêt à la suivre avant de prendre sa décision. Et j'ai dis oui. Certes, ça implique de laisser mes amis de Finlande derrière moi, comme je l'avais déjà fait en quittant la France. Ça ne veut pas dire qu'on ne se reverra jamais, juste rarement, occasionnellement. Je laisse derrière également des lieux qui me sont désormais chers, où j'ai fait mon trou, des choses à boire et à manger qui vont me manquer comme me manquent déjà saucisson, speck et Malzbier (et oui, je pense à toutes choses Terva). Mais cela veut aussi dire sortir de cette impasse linguistique qui me précarise et me pèse, chaque année un peu plus. Le suédois sera un nouveau défi, que tout le monde me présente comme "facile, surtout puisque tu parles allemand et anglais". On verra. En attendant j'ai une nouvelle chance, dans un pays qui n'est pas pour me déplaire à première vue. La Finlande était mon plan A, les autres pays nordiques mon plan B, et le retour en Allemagne mon plan C. C'était comme ça depuis qu'Ada avait rompu et que j'étais confronté à un futur en Finlande en solitaire. Surtout qu'à l'époque je n'avais pas fini mes études, et j'étais dans le creux de la vague médicalement et socialement parlant. Mais j'ai persévéré, j'ai obtenu mon diplôme, puis j'ai essayé de m'en sortir pendant l'année qui a suivi, je peux passer au plan B sans trop de regrets, car je repars de Finlande avec la satisfaction d'avoir fini ce que j'étais venu y faire en premier lieu. J'ai réussi les études pour lesquelles j'avais déménagé. Malgré la tristesse des au-revoir et l'impression de laisser une nouvelle fois mon cercle d'amis derrière moi, il y a aussi un sentiment d'accomplissement.

La Suède sera un nouveau départ, il faudra tout recommencer, tisser des liens, trouver du travail, apprendre la langue. C'est excitant, c'est stressant, mais c'est normal.

Si je devais avouer mes quelques regrets, ce serait (sans ordre précis) : 

- Ne pas avoir vu la Laponie. Même ma sœur et sa petite famille sont allé à Rovaniemi quand ils sont venus me rendre visite. Moi, en six ans, jamais. J'ai écumé la côte Sud, j'ai vu l'archipel de Finlande en long en large et en travers, j'ai vu la Carélie, Savo, et la région des grands lacs. Mais la Laponie, jamais. Bon, objectif dans ces prochaines années : aller en Laponie, fut-elle la Laponie suédoise.

- Ne pas avoir fait la Route du Terva. Il n'y a probablement pas des tonnes de choses à voir (si ce n'est le paysage de la région, ce qui est déjà très attractif), mais comme on y produit encore du Terva à l'ancienne et tout, ça m'attire, forcément.

- Ne pas avoir été dans un Savu sauna, où la fumée reste à l'intérieur. Bon, ça se fera un jour ou l'autre.

- Ne pas être là pour le centenaire de la Finlande, qui a lieu une semaine après notre départ. J'ai bouffé du "Suomi 100" sur tous les produits possibles et imaginables pendant toute l'année 2017, mais le jour même, je serais pas là. C'est un peu con, mais c'est comme ça. Est-ce que j'aurais fait la fête comme un petit fou pour l'occasion ? Probablement pas. Est-ce que suivre l'événement depuis mon ordi chez moi à Helsinki m'aurait plus impliqué que sur mon ordi chez moi à Lund ? Probablement pas. Du coup je trouve ça dommage, mais c'est pas la fin du monde non plus, n'exagérons rien.

- Ne pas avoir réussi à apprendre le finnois, une langue qui me plaît beaucoup, que j'aime écouter, mais qui restera à jamais un mystère grammatical pour moi. Certains l'apprennent en quelques mois, d'autres jamais. C'est comme ça.


La gare d'Helsinki.
Les trucs qui vont me manquer : l'architecture Jugenstill d'Helsinki. Superbe, des magnifiques façades à chaque coin de rue, des sculptures, des moulures, des motifs floraux, plein de couleurs... Sans compter que la ville est construite avec des rues larges, très larges souvent, on est jamais loin de la mer, plein d'espaces de verdures, de rochers apparents... Une ville qui laisse la place à la nature, ouverte sur son ciel, qui respire. Oui, Helsinki va me manquer, c'est la ville que j'aurais eu le plus de plaisir à habiter. Sinon, le Terva (même si j'espère que les Suédois auront eux aussi plein de truc au goudron, ce serait le pied), les restaurants Harald où l'on mange fort bien, les vrais Salmiakki finlandais (je suis sûr que la Suède a également de la réglisse salée dans son répertoire, mais si c'est comme l'allemande, bof, bof), le mämmi, les ruispalat (un type de pain de seigle probablement inspiré par une semelle de chaussure)... non je déconne, bon débarras! La Prykmestar Savu, une bière locale fumée phénoménale (tout comme son prix), et probablement plein de trucs que je ne réalise pas encore avant de les perdre "pour de bon".

(Après faut pas déconner, la Finlande c 'est la porte à côté, on y retournera forcément de temps en temps.)

Ah l'Euro, aussi. Vivre dans le seul pays nordique a avoir choisir l'€ c'était allier l'utile à l'agréable. Là je suis parti pour jongler entre euros et couronnes suédoises, le rêve. Bon, pour compenser j'aurais une famille royale à la tête de mon pays de résidence, ce qui est... intéressant... ? 

Du coup j'ai hâte de découvrir la Suède et d'adopter de nouveaux favoris (spoiler :  ça ne sera pas le Surströmming). Bizarrement, et contrairement à ce qu'on pourrait penser quand on connaît mes intérêts, notamment historiques ou spirituels, je n'ai pas de passion spécifique pour la Suède, qui s'intègre pour moi dans un ensemble culturel nordique qu'il m'a déjà été donné d'explorer un peu, cf. ce blog, d'ailleurs. Je sais que je vais changer de pays, qu'il y aura des différences culturelles avec la Finlande, mais je ne vis pas cela comme un changement radical et n'ayant pas de fétiche de la Suède (je n'en avais pas spécialement pour la Finlande à la base non plus), je m'y lance avec curiosité et nervosité, notamment quant à mes capacités effectives à apprendre une nouvelle langue, plus qu'une réelle excitation béate. Enfin, un peu quand même. Je pense que ça vient également d'un manque de réalisation concrète de ma part. Quand les cartons seront dans le camion, ça commencera à devenir plus réel, et je me dirais "Oh yeah, la Suède !". Surtout qu'on déménage dans une petite ville apparemment toute mignonne, dans un chouette appartement... mais tout ça trouvera son chemin sur ce blog, vous verrez bien. En attendant je suis encore en Finlande, mon esprit est toujours ici, à Helsinki, et je n'arrive pas à me mettre au suédois en ligne. Je ne me projette pas encore, quelque part... Difficile de croire que c'était mon dernier été en Finlande, mon dernier Ruska, et que dans quelques semaines je vivrais mon premier marché de Noël suédois.

Bon, je vous laisse, je dois préparer l'appartement à notre fête de départ.

Le pont pour conclure l'article, métaphore de transition, de passage vers l'ailleurs, tout ça. Je suis un poète.


Ah et je reprends les article sur la Norvège "bientôt", promis.

1 commentaire:

  1. Bon départ vers cette nouvelle aventure!
    Ça m'a fait plaisir de lire cet article et d'apprendre un peu ce qui t'es arrivé ces dernières années - entre nos exils respectifs, c'est difficile de suivre! (bon, c'est aussi de ma faute, ça fait longtemps que je ne suis plus venue aux nouvelles).
    En tout cas, bonne chance en Suède, j'espère apprendre plein de choses cool sur le pays une fois que tu seras installé! (Et si jamais tu passes par l'Alsace un de ces quatre, fais-moi signe :) )

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