lundi 21 août 2017

Åland : Bomarsund

Un canon de Bomarsund monte encore la garde.
J'évoquais la période russe de l'archipel dans mon article précédent, et sa conséquence la plus visible aujourd'hui, à savoir la construction de la forteresse de Bomarsund. Alors je ne vais pas faire un historique complet et détaillé de l'histoire de cette forteresse, wikipedia fait ça mieux que moi. Je vais me contenter d'un résumé sarcastique et d'une visite de ce qu'il en reste. Oh, mince, du coup vous savez déjà qu'elle est toute abîmée ! Au temps pour moi...


Vous vous souvenez quand j'évoquais Suomenlinna ? Je me moquais alors des Suédois construisant une super forteresse pour se protéger des Russes avant... que la forteresse ne soit livrée clefs en main aux Russes en question par un traître ? C'était drôle, on s'est bien moqué. Mais les Russes aussi ont droit à leur petit moment de honte, et il serait injuste de ne pas en parler ici, maintenant. Parce que cette forteresse de Bomarsund était une sacrée entreprise ! En plus d'être elle-même colossale, elle devait être protégée par douze énormes tours de 42 mètres de diamètre pour 14 mètres de hauteur, armées de 20 canons chacune ! Bon, seulement trois étaient achevées quand les Russes en ont eu besoin, y compris la Tour Notvik qui devait empêcher les navires ennemis d'arriver par le Nord, les Russes croyant que c'était la seule voie d'accès navigable pour des navires de guerre. Cinq années de construction et 20 canons plus tard, donc, elle était prête à repousser toute flotte adverse.

Sauf que pendant ces cinq années de construction, les navires avaient évolué technologiquement et quand la flotte franco-britannique (oui, oui, il nous est occasionnellement arrivé d'arrêter de nous taper dessus avant les guerres mondiales) débarqua en 1854, pendant la Guerre de Crimée, elle était composée de navires à vapeur capables de passer au sud-est par l'étroit canal de Ängösund. Ces derniers furent alors capables d'approcher la Tour Notvik, hors de portée des canons russes. Les britanniques montent alors en 48h un nid d'artillerie composé de trois canons seulement protégés par des sacs de sable... Et en 10 heures de bombardement c'était plié, la tour était réduite à néant.

La Lose avec un grand L.

En cinq ans, la tour était déjà devenue obsolète parce que la technologie avait progressé rapidement. Comme quoi, déjà à l'époque on a dû entendre un Russe ou deux pester que "ça évolue beaucoup trop vite de nos jours !" Hihi, c'est bon, maintenant que j'ai évoqué cet incident on ne pourra plus m'accuser de me moquer que des Suédois.

(Cela dit, Suède, tout cela ne compense toujours pas le coup du Vasa, faut pas rêver).


Ce qu'il reste de la Tour Notvik.

Notez les impacts de boulets de canon dans la pierre de taille.
Il ne reste plus grand chose, mais on peut s'imaginer la largeur de la tour à l'époque, qui fonctionnait comme une garnison miniature, puisque les soldats y logeaient, mangeaient, etc.
Céleste et Mats, notre hôte couch-surfeur, longent les imposants canons russes qui armaient la tour.

La reconstitution de la forteresse sur un des panneaux du site donne une idée de l'échelle.
Quant à la forteresse elle-même, 24 ans après le début de sa construction, elle n'était pas encore achevée lorsqu'elle tomba aux mains françaises et britanniques après 8 jours de siège. Français qui s'empressèrent de la remplir d'autant de poudre que possible et de la faire exploser. Les pierres des ruines se retrouvent dans beaucoup de fondations de fermes aux alentours (la forme de la taille est caractéristique et franchement reconnaissable), même s'il est aujourd'hui interdit de se servir comme autrefois. D'un côté il est assez choquant de se dire qu'on pourrait avoir de bien meilleurs vestiges historiques si les paysans du crû n'avaient pas pillé le site, de l'autre c'est une pratique extrêmement courante et pragmatique de récupérer ce qui peut l'être (j'y reviendrai probablement quand je parlerais des vestiges de la première guerre mondiale sur le Hartmannswillerkopf). Toujours est-il que c'est la destruction de cette forteresse en 1854 qui amena à la démilitarisation officielle d'Åland deux ans plus tard. (Démilitarisation dont ils sont très fiers, comme on l'a vu dans l'article précédent).

Quelques chiffres pour bien comprendre l'ampleur du fort principal : 18000 m², 246 salles, 115 canons, 2 500 résidents, civils et militaires. Le fort avait ses églises, boulangeries, prison, étables etc. Une véritable petite ville. Et tout ce qu'il en reste aujourd'hui, c'est ça :

Le mur aux pierres taillées à la forme si reconnaissable qu'on retrouve donc dans les fondations de beaucoup de fermes et d'habitations.




Les berges autour des ruines au couchant.
Quel intérêt d'aller visiter Bomarsund s'il n'en reste plus rien, me demanderez-vous ? Et bien d'abord le peu qu'il reste permet tout de même d'avoir une idée de la taille imposante de la forteresse. Les pierres taillées qui servaient d'appui sont juste énormes. Ensuite, le cadre. Si la forteresse elle-même n'a pas forcément une vue d'ensemble, les ruines de la Tour Notvik, en revanche, offrent un superbe panorama qui mérite largement le détour ! En plus nous y étions à l'heure du couchant, ce couchant nordique qui prend son temps, ce qui ne gâchait rien.





Hum, cet article est déjà un peu long, et je m'étais fixé de ne faire que 2 articles sur Åland... tant pis, j'en ferai trois et puis voilà. On passera à la dernière étape dans un autre article centré sur la capitale Mariehamn, et notamment son musée de la marine.

Et ensuite je pourrais peut-être passer à la Norvège pour un peu plus de relief.

Arbre de Midsommar tout mignon vu à côté des ruines de Bomarsund, tout aux couleurs d'Åland, y compris le petit drapeau au sommet ! (comme nous y étions peu après le Solstice d'été, on en a vu plein, sur notre chemin)

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